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empêché de devenir roi d’Espagne. La forme de la note que la Porte devait adresser au prince Menschikoff a servi de motif à la guerre de 1853. C’était chaque fois la dernière goutte qui faisait déborder la coupe, et si une solution pacifique avait été trouvée, en ce moment, à chacun de ces incidens, un autre n’aurait pas manqué de surgir, comme manifestation d’un mal interne dont on peut, avec des soins, guérir un symptôme extérieur, mais qu’on ne saurait empêcher de reparaître ailleurs ou sous une autre forme. Ainsi l’affaire du Luxembourg avait déjà menacé de provoquer, dès 1867, la guerre entre la France et la Prusse. L’heureuse solution de cette affaire a précédé de peu la rupture pour un autre motif en 1870.

Passant de cet exposé sommaire des causes qui engendrent les guerres, et les rendent même parfois inévitables, aux moyens de les prévenir, moyens dont la recherche a été l’idée inspiratrice de la Conférence de La Haye et continue à préoccuper les pacifistes, on doit constater que, dans cet effort, on n’a généralement eu en vue que les motifs extérieurs, les incidens immédiats qui servent de préludes aux guerres, et nullement les causes intimes, réelles, qui les préparent et les amènent.

On peut, en appliquant les remèdes discutés à La Haye, résoudre pacifiquement tel incident qui surgit inopinément entre deux nations restées jusque-là dans des relations absolument normales. Si les raisons physiologiques ne poussent pas ces Puissances à se mesurer par les armes, si dans leurs positions internationales il n’y a pas de disproportion, de rupture d’équilibre qui demande à être corrigée, on peut être sûr que la guerre n’en sortira pas. Les Cours d’arbitrage ou les bons offices des tiers pourront faciliter une solution. Les questions de ce genre se résolvent généralement par une entente directe ou un recours à la médiation et commencent maintenant à être portées devant le tribunal arbitral de La Haye.

Si, au contraire, des raisons internes rendent nécessaire un conflit armé, l’intervention pacificatrice des neutres ne pourra pas les écarter. Elles seront inhérentes à la situation réciproque de ces États au sein de la famille européenne. En réglant momentanément le différend, on ne fera que retarder les hostilités, — et les rendre peut-être plus graves, puisque la rupture d’équilibre ne fera que s’accentuer toujours davantage.