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deux grands secrets de sa réussite, répétons-le, sont la convergence des efforts et leur subordination docile à une pensée directrice. — C’est le pas de l’Empereur… Il règle toute la marche en avant. Les jugemens diffèrent à l’infini sur la psychologie intéressante d’un souverain qui se les rend favorables par sa séduction personnelle, quand il ne les aigrit point par la mobilité d’un esprit impétueux, laborieux, imaginatif, très ouvert au demeurant, et dont nous ne savons pas encore s’il sera redoutable par l’action d’une volonté soutenue, ou au contraire, — danger pire, — par l’absence de cette volonté régulatrice. Ses sujets se perdent en conjectures à cet égard ; beaucoup le critiquent ; mais tous le suivent. En tant que chef de la grande maison de commerce, il a justifié jusqu’à ce jour leur obéissance et l’espoir qu’ils placent en lui.

Redisons enfin que la cause originelle de ces victoires pacifiques est d’abord et surtout dans les victoires militaires, dans la conscience que ce peuple y a prise de ses forces, dans l’élan de confiance et d’orgueil national qui a métamorphosé depuis quarante ans l’esprit allemand, jadis hésitant et timide dans l’action. Une fois de plus la guerre, ouvrière de mort immédiate, a été créatrice de vie future ; la roue de fer a engrené les roues d’or, de diamant. Partout où progresse l’Allemagne, sur terre et sur mer, cette vérité est écrite en caractères éblouissans. J’entends les bêlemens des « pacifistes. » Pas plus qu’eux je ne souhaite un mal qu’il faut être toujours prêt à subir pour qu’il ne nous emporte pas à l’improviste ; mais, n’ayant point leur superbe intellectuelle, je m’incline devant le mystère de contradiction que renferme ce mot horrible et sublime : la guerre.

L’orage s’est dissipé ; le couchant empourpre de clartés glorieuses cette molle et riante vallée du Rheingau. Je la regarde avec admiration. Je pense avec estime aux braves gens qui l’habitent, à ceux que j’ai rencontrés plus loin sur ma route, aux hôtes qui m’ont accueilli avec sympathie et dont j’ai serré cordialement les mains. Je ne comprends pas la haine rogue, d’autant plus intransigeante qu’elle est résolue à ne jamais se satisfaire. Je ne crois pas que la haine soit indispensable pour préserver le cœur d’un impossible oubli. J’en reste à la mode de nos pères, aux relations courtoises, et même amicales, avec les adversaires de la veille ; on savait qu’on aurait peut-être l’honneur de les retrouver sous les armes le lendemain, et cela n’empêchait