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d’en extraire une et, à la fin de l’acte, on endort un autre patient pour la même opération. C’est le dentiste qui est l’amoureux de la pièce, et il partage l’intérêt avec un vieux garçon d’hôtel dont les excentricités ont fourni, cet hiver, à M. Calvert, les élémens d’une création fort amusante. Sous ces fantaisies un peu folles on découvre peu à peu une idée. Laquelle vaut mieux, de l’ancienne éducation sentimentale, qui imposait aux enfans, envers leurs parens, non seulement l’obéissance et le respect, mais l’affection, ou de l’éducation scientifique, qui donne des leçons, jamais des ordres et ne permet pas au cœur de se mêler de l’affaire ? Le premier système est représenté par Mr Crampton et le second par sa femme, Mrs Clandon, et elle tient d’autant plus à ses idées qu’elle les a imprimées : ce qui rend le retour impossible. Les deux époux se sont brouillés et séparés sur cette question. Ils se retrouvent inopinément dans un hôtel d’Hastings. Que feront-ils ? S’embrasseront-ils ? Ou se feront-ils un procès ? Ils demandent conseil à un grand avocat, qui se trouve là par hasard pour assister à un bal masqué, et qui veut bien ôter un moment son faux nez pour essayer de raccommoder cette famille désunie. Quand il a rendu son oracle, il remet son faux nez et s’éloigne en valsant avec une des filles de Mrs Clandon. Mais cet oracle n’est pas clair et nous demeurons dans le doute sur ce qui va se passer dans la famille Crampton comme sur le problème général. L’éducation prétendue scientifique, donnée par la mère, a produit deux enfans terribles et une orgueilleuse dont la froideur apparente fond, comme une gelée de mai, sous le premier baiser. Si on les livre à leur père pour recommencer leur éducation, sa tendresse jalouse achèvera de les gâter. Aucune solution n’est suggérée, à moins que ce ne soit l’éducation donnée par l’Etat collectiviste de l’avenir. Nous sentons vaguement qu’on s’est moqué de nous. On nous a convoqués à la discussion d’un des plus grands problèmes de ce temps, et on nous renvoie après nous avoir montré un légiste dansant, comme dans les entrées de ballet de Molière. Mais le garçon d’hôtel est si drôle ! Et puis, un jeune premier qui est dentiste ! Quelle trouvaille !

Je ne dirai presque rien du Philanderer. Les pièces de M. Bernard Shaw, en général, marchent mal : celle-ci ne bouge pas. Toujours la même scène de larmes et de jalousie qui se répète d’acte en acte ! Cette comédie, comme la précédente,