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ses ancêtres du XVIe siècle, comme un métier et un gagne-pain, en attendant que son père veuille bien mourir et lui laisser les nombreux hôtels dont il est propriétaire, avec la literie et la batterie de cuisine qui en dépendent. Nous apprenons alors que le pistolet n’était pas chargé. « Un jeune officier met des cartouches dans sa cartouchière, un vieil officier la remplit de chocolat. » Malheureusement la sienne est vide.

Mlle Petkoff découvre dans une boîte de bonbons quelques pralines, qu’il dévore. À ce moment, il aperçoit sur la commode une photographie qui semble placée là pour y recevoir, à toute heure, l’hommage d’une dévote admiration. Avant que la jeune fille ait eu le temps de lui dire : « C’est mon fiancé, le héros de la journée, celui qui a chargé les canons ennemis à la tête de son régiment et qui a sabré les artilleurs sur leurs pièces, » l’aventurier suisse s’est écrié : « Je le reconnais. C’est cet imbécile qui a couru droit sur notre batterie. De lui et de ses hommes, il ne serait rien resté si nous avions eu encore des gargousses. » Quant à lui, il tressaille au moindre bruit : « Ah ! que c’est bête ! Vous m’avez fait une peur ! » Il explique que le courage est une affaire de nerfs. « On peut être brave un jour, deux au plus ; le troisième, on devient lâche. » Il est tellement vaincu par la fatigue, la faim, le besoin de dormir qu’il se met à pleurer et, un moment après, pendant que la jeune fille est allée chercher sa mère, il tombe sur le lit, foudroyé par le sommeil, tout en travers, une botte de-ci, une botte de-là. Impossible de le réveiller. Tel est le premier acte. Il est original et d’un effet immanquable.

Les deux actes qui suivent ne valent rien. M. Shaw qui pense avoir déjà fortement endommagé son héros en le faisant charger une batterie dénuée de gargousses (mais, monsieur, puisqu’il n’en savait rien ! ) poursuit et achève sa démolition en le faisant tomber dans les filets d’une petite femme de chambre, aussi séduisante que peu scrupuleuse. Comme tout cela démontre bien que les soldats n’ont pas de courage !

D’une Bulgarie imaginaire, nous passons dans un Maroc de fantaisie, découvert par M. Bernard Shaw dans un livre de Cunningham Graham qui croyait y être allé. Au point de vue moral, Captain Brassbound’s Conversion met en présence les différens moyens que nous possédons de corriger les hommes. Ces moyens sont au nombre de trois : à savoir la Religion, la Justice et