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III

Ce théâtre se compose, jusqu’ici, de quatorze pièces. Je n’en connais que treize. Le petit acte How he lied le her Husband, joué cet hiver au Saint-James en compagnie de deux pièces de M. Alfred Sutro, le brillant auteur des Walls of Jericho, a disparu si vite de l’affiche que je n’ai pas eu le temps d’aller le voir et je ne sache pas que la pièce ait encore été imprimée. D’après ce qu’on m’a dit, ce petit acte a très peu d’importance, mais il offre ceci de particulier que l’auteur semble y parodier une autre de ses pièces : et il serait dommage de ne pas mentionner ce trait qui caractérise M. Shaw.

Je mets d’abord à part un groupe de trois pièces que j’appellerai les pièces historiques. Ce sont peut-être les plus modernes de toutes, quoiqu’elles soient censées se passer, respectivement, en 48 avant Jésus-Christ, en 1777, et en 1796.

La première est intitulée Cæsar and Cleopatra. M. Bernard Shaw paraît avoir été tenté par ce curieux sujet auprès duquel ont passé deux grands poètes dramatiques. Les bienséances de la tragédie autant que le tempérament personnel de Corneille lui défendaient d’y toucher, et Shakspeare l’a négligé pour courir vers la catastrophe finale qui l’attirait. Pourtant, est-il, en psychologie dramatique, beaucoup de cas aussi intéressans que la liaison qui eut Cesarion pour résultat ? J’avoue que je partage la curiosité de Mérimée qui eût voulu voir la figure de César au moment où Cléopâtre émergea du tapis où elle s’était fait empaqueter pour arriver jusqu’à lui. Surtout je voudrais savoir qui séduisit et qui fut séduit, de la petite Egyptienne, reine et courtisane de naissance, ou du don Juan chauve, moechus calvus, comme l’appelaient ses propres soldats. M. Shaw me donne seulement quelques traits de cette bataille d’amour, et la pièce ne satisfait pas l’appétit que le titre a éveillé. La première rencontre des deux futurs amans est insensée. César a quitté ses légionnaires et s’est avancé tout seul, en vrai touriste, jusqu’au sphinx accroupi qui garde l’entrée du désert. Entre les pattes du sphinx, il trouve blottie la petite reine qui s’est enfuie de sa royale nursery parce que sa bonne l’opprime. Après avoir jeté à cette nuit d’Orient une foule de propos singuliers, César apprend