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heures, telles qu’Andrew Ure et Villermé en connurent. Plus d’enfans employés à une tâche si manifestement au-dessus de leurs forces qu’il fallait, pour faire cesser cet abus, prendre des arrêtés municipaux[1] ; à dire le vrai, plus de tâches au-dessus des forces de l’homme, enfant ou adulte ; la force substituée à ses forces, une force tirée non de lui-même, mais du dehors, dont il use sans qu’elle l’use, et, — c’est le grand bienfait de la science appliquée à l’industrie, — qu’il n’a plus à produire, qu’il n’a qu’à conduire. À cet égard, l’industrie textile ne le cède en rien aux autres industries, et il en est du travail de la laine comme du travail du lin ou du coton, du travail de la soie comme du travail de la laine.


II

La Flandre, la Lorraine et la Normandie sont les trois provinces privilégiées du coton, de la laine et du lin : Lyon est la ville de la soie. La soie règne à Lyon, ou Lyon règne sur la soie. Par « régner » il faut entendre : exercer un empire qui n’est guère moins qu’universel, et par Lyon, non seulement Lyon, mais tout le pays de Lyon, assez loin vers le Sud, le Sud-Est et le Sud-Ouest : les uns disent six, les autres huit, et d’autres encore treize départemens ; Rhône, Isère, Loire, Savoie, Ardèche, Drôme, Ain, Haute-Savoie, Haute-Loire, Saône-et-Loire, Vaucluse, Gard, Puy-de-Dôme[2]. Ce vaste territoire, le cinquième ou le sixième de la France, relève en fief de la fabrique lyonnaise, soit pour la production, soit pour la filature, soit pour le tissage, soit pour l’apprêt ou la teinture de la

  1. « Je ne puis taire ici une cause particulière de ruine pour la santé des jeunes ouvriers dans les petites filatures qui manquent d’un moteur général. Cette cause, sur laquelle l’attention de la mairie d’Amiens a été appelée deux fois, à ma connaissance, par le conseil des prud’hommes de la ville, consiste à faire mettre en mouvement, par des enfans, les machines à filer ou à carder, au moyen d’une manivelle à laquelle on fait décrire, avec la main, un cercle dont le point supérieur passe à cinq pieds des planchers, et à exiger ainsi de ces enfans plus qu’il ne convient à leur faiblesse et à leur taille. » Villermé, État des ouvriers, I, 310. Voyez, p. 311, le texte de l’arrêté du maire d’Amiens, en date du 21 août 1821. Nouvelles plaintes en 1834.
  2. Exposition universelle de 1889 à Paris. La Fabrique lyonnaise de soieries et l’industrie de la soie en France, 1789-1889. Imprimé par ordre de la Chambre de commerce de Lyon, 1 vol. in-4o ; Lyon, imprimerie Pitrat aîné, 1889, p. 23. Cet ouvrage, non signé, est, si je ne me trompe, de M. Morand, le très distingue secrétaire de la Chambre de commerce.