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Des collines que l’Elbe contourne sur sa rive droite, le regard embrasse une vaste étendue d’eaux et de quais en forme d’éventail : ce sont les divers häfen, ces nombreux bassins qui rayonnent en s’éloignant du fleuve et se ramifient sur sa rive gauche. Tout d’abord le port franc, délimité par une ligne conventionnelle : son havre, ses canaux et ses docks couvrent un millier d’hectares. Là s’entassent les marchandises étrangères que Hambourg reçoit et réexporte dans toutes les parties du monde ; en premier lieu les cafés et nos vins de Bordeaux. De là partent les longues barques, fermées par un toit de volets que la douane plombe dans l’enceinte du port franc, et dont chacune contient la charge ordinaire d’un train marchand ; elles remontent l’Elbe, traversent en libre transit la zone du Zollverein, vont porter leur cargaison jusqu’aux provinces autrichiennes. En dehors du port franc, l’échange des apports maritimes et des apports fluviaux de toute l’Allemagne emplit d’une activité grandiose les häfen. Chacun de ces bassins a sa destination spéciale : certains sont monopolisés par les navires d’une grande compagnie. La Hamburg Amerika Linie a le sien, insuffisant pour les paquebots géans qu’elle envoie à New-York : ils appareillent à l’embouchure de l’Elbe, dans l’avant-port de Cuxhaven. On sait que l’importance de sa flotte et de ses opérations assigne à cette société le premier rang parmi les entreprises rivales. « Mein Feld ist die Welt, — mon champ est le monde, » — dit orgueilleusement la devise gravée au fronton du palais où la Compagnie a groupé ses services, sur le Binnen Alster, au centre de la ville. Devise justifiée par les faits. J’ai donné un aperçu de l’organisation du Norddeutscher Lloyd ; il faudrait me répéter et amplifier encore pour décrire celle de la Hamburg-Amerika. D’autres compagnies moins puissantes remplissent pourtant un bassin de leurs navires : telle la maison Wœrmann, qui exploite la côte occidentale d’Afrique. Flotte patriarcale : chacun de ses bateaux porte le nom d’un des enfans de la famille Wœrmann. Une erreur assez répandue en France nous fait croire que ces entreprises ne vivent qu’à l’aide de fortes subventions du gouvernement impérial. Il n’en est rien. On remarque au contraire, chez la plupart des armateurs de la Hanse, une prévention raisonnée contre les obligations gênantes qu’impose un secours de l’État. — « Les grosses subventions attachées à un cahier de charges, disent-ils, sont en réalité des