Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 30.djvu/275

Cette page a été validée par deux contributeurs.
269
un voyage à sparte.

carrée ! Le fait regrettable, le crime, ç’a été précisément de démolir une partie de l’aile Sud des Propylées pour édifier votre palais.

Le voyageur. — Eh ! monsieur, comme vous, je préfère les Propylées au palais des ducs d’Athènes, mais tel n’est pas le débat. En détruisant celui-ci, vous n’avez pas rétabli celui-là. Il n’est pas en votre pouvoir de remettre l’Acropole dans sa jeunesse, ne gâtez donc pas sa vieillesse. Vous n’êtes intervenu dans la vie de ces ruines que pour appauvrir leur signification. C’est encore une beauté pour un monument dont les premières beautés sont irréparables, s’il est chargé de siècles, d’événemens et d’émotion.

Le pensionnaire. — Je connais votre point de vue. Il peut se soutenir et même il a été souvent soutenu… Renan… Émile Gebhart… Laissez-moi vous le dire : c’est un vieux bateau. Faut-il ramener les édifices à leur aspect primitif ou les accepter tels que les siècles nous les ont légués ? Là-dessus on a dit le pour et le contre, mais s’il s’agit de l’Acropole, l’hésitation n’est pas permise. Nous avons le devoir de tout sacrifier pour dégager la pensée de Phidias.

Le voyageur. — Pour avoir supprimé tout ce qui ne vous semble pas du Ve siècle, vous croyez avoir mis sous nos yeux la pensée de Phidias ! Quelle aberration ! Vous avez simplement créé un nouvel état du Parthénon, l’état de 1900. La ruine nettoyée par vos soins est une fort belle chose, mais nul Grec du Ve siècle n’y reconnaîtrait les monumens religieux splendidement peints et ornés où se déroulaient les fêtes athéniennes. En reniant sur l’Acropole mes braves compatriotes, les ducs d’Athènes, vous avez cru tout arranger pour que je repense la pensée de Périclès. J’en suis incapable comme devant. C’est la faute de votre document incomplet ; mais j’irai plus loin, et je dis que c’est la faute de mon âme. Parfaitement. Je n’ai pas l’âme grecque. J’ai une âme composite et par là fort capable de comprendre la signification de l’Acropole que vous avez détruite. Vous avez, au nom de votre conception scolaire, mis bas un donjon qui, sous le soleil de l’Attique, avait pris une belle couleur fauve et s’harmonisait avec le paysage. Ce Parthénon incongru était justifié par l’histoire. Il n’était pas plus absurde que mon cerveau où des parties grecques et romaines sont associées à une première conception celtique. Les blocs antiques écussonnés par les Villehardouin et les La Roche, ducs d’Athènes et de Thèbes,