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a été comblée de grâces par le moyen des sacremens de l’Église catholique, vous avez été consacré par le sang de l’Agneau de Dieu qui vous a imprimé le caractère du chrétien et celui du sacerdoce, caractère qui doit demeurer ineffaçable en vous pour l’éternité tout entière, et maintenant vous vous éloignez de cette Église catholique, votre mère ! C’est par elle pourtant que vous avez été engendré en esprit, et que vous avez reçu une dignité qui est plus élevée que celle des anges, et en même temps un signe indélébile de votre assujettissement à Jésus-Christ. Serait-il possible que, dans le moment même où cette Eglise a repoussé une partie de vos opinions, les paroles de l’Evangile aient cessé subitement d’être vraies, lorsqu’il a été dit : Celui qui vous écoute, m’écoute moi-même ? Est-il possible que vous vous soyez détaché de la doctrine qui vous paraissait peu auparavant si lumineuse, qui vous inspirait de si hautes espérances, et que vous déduisiez de ces expressions : Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise, et les paroles de l’enfer ne prévaudront point contre elle ? Comment avez-vous pu perdre en un instant la confiance que devrait inspirer la prière de Jésus-Christ à qui rien ne peut être refusé par son Père et qui a dit pour nous soutenir : Rogavi pro te, Petre, ut non deficiat fides tua. Ah ! mon cher frère, retournez en arrière sans retard, cherchez un refuge dans le sein de notre tendre mère, là où seulement se trouve le salut.

Vos écrits, depuis votre voyage à Rome, montrent tous une âme immensément triste et profondément ulcérée. Que sera-ce donc ? N’est-ce point votre devoir de soutenir avec force ces épreuves, quoique bien dures, auxquelles vous soumet la Providence divine ? Aurons-nous la lâcheté de déserter le drapeau de l’Église parce que le combat est difficile, ou parce que les chefs suprêmes ne dirigent pas l’ordre du combat comme il plaît à de simples soldats ? Ah ! n’entrons-nous pas dans les desseins éternels de celui qui, tout en dirigeant son Eglise d’une manière invisible, a pourtant un vicaire visible ? C’est celui-là même qui soumet ses serviteurs à l’épreuve. C’est Jésus-Christ qui éprouve votre foi pour voir si elle se soutient, ou si elle faiblit misérablement ; il attend le résultat pour vous juger. Ah ! qu’il plaise à Dieu que tout ce que vous avez fait dans le passé ne soit pas trouvé vide de poids ! Ah ! que tout ce que vous avez fait, et qui paraît pourtant si grand, ne soit pas trouvé privé de racines !