Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 30.djvu/183

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pouls ni respiration. Revenu, contre toute espérance, des dernières extrémités de l’agonie, ma convalescence a été ensuite retardée par une rechute que me causa la mort, à peu près soudaine, d’un domestique de confiance, qu’il me fallut confesser en toute hâte, au milieu de la nuit[1]. Enfin, je n’ai plus maintenant à désirer que des forces pour reprendre mon travail et mettre à profit le temps, car je ne sais combien Dieu m’en accorde encore, et nox venit quando nemo potest operari. Vous avez été aussi bien malade, et je ne l’ai su qu’après votre rétablissement. Je crains que vous n’ayez pas de vous le soin nécessaire, et cela me peine beaucoup, car votre santé est bien précieuse à l’Eglise.

Je compte rester ici environ trois ans. J’ai besoin de ce temps-là pour composer l’ouvrage qui m’occupera en premier lieu, et pour achever ensuite l’Essai. Mon frère qui vient de passer, ce qui lui arrive rarement, trois jours avec moi, vous remercie mille fois de votre souvenir, et vous fait les plus tendres et les plus respectueuses amitiés. Ne m’oubliez pas près des personnes que j’ai connues à Genève, particulièrement près de M. le curé de Chênes. Priez pour moi, mon digne ami, et croyez que personne au monde ne vous est plus tendrement dévoué en N. -S. que votre ancien hôte

F. DE LA M.


A La Chênaie, le 26 novembre 1827.

Il y a bien, bien longtemps, cher et respectable ami, que je n’ai eu l’occasion et le loisir de vous écrire. Ce n’est pas que je n’aie pensé souvent à vous. Mais, dites-moi, êtes-vous maintenant plus satisfait de votre santé ? Ménagez-la soigneusement de grâce ; elle est précieuse à la religion, et nécessaire à la petite Église que vous conduisez, et aux Églises environnantes. Je ne sais plus où en sont vos affaires. Vous donnent-elles un peu plus de consolation ? Je crains que vous ne trouviez encore beaucoup d’entraves. Le monde va s’affaiblissant. On tremble partout. Notre hôte, que vous avez revu depuis à Paris, ne ressemble guère à ce qu’il était en y arrivant.

Il s’est jeté dans l’ornière de son prédécesseur. Peur à droite, peur à gauche, peur par devant et peur par derrière ; et ces

  1. Sur cette maladie et cette rechute de Lamennais, voir ses deux lettres au marquis de Coriolis et à Berryer dans Forgues, 1. 1, p. 346-348.