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briller le fer, et les coupes servaient d’armes, c’est ainsi que l’Olympe, etc. »

Avant que ce beau fragment y fût employé, l’Aveugle devait se terminer ainsi :


Ensuite, avec le vin, il versait aux héros
Le puissant népenthès, oubli de tous les maux ;
Il cueillait le moly, fleur qui rend l’homme sage ;
Du paisible lotos il mêlait le breuvage.
Les mortels oubliaient, à ce philtre charmés,
Et la douce patrie et les parens aimés.
Ainsi le grand vieillard en images hardies,
Déployait le tissu des saintes mélodies…….


En relisant l’Aveugle tel que je viens d’en indiquer la conclusion probable, André Chénier, grâce au goût et au sentiment de la composition qui semblent lui être naturels, dut s’apercevoir que la fin en était trop égale, trop calme, un peu froide ; que le poème tombait, et qu’il le fallait relever par l’éclat de quelque tableau tragique. Et c’est alors qu’après avoir refait le premier vers pour le raccorder aux précédens, il y intercala ce prodigieux combat des Lapithes et des Centaures qui laisse le lecteur sous l’impression d’un éblouissement de foudre.


En lisant l’Esclave dans l’édition de 1874 qui a donné pour la première fois le texte tout entier, je fus frappé de l’incohérence de ce poème d’une si dramatique allure. Or nul ne compose mieux qu’André Chénier. Ses moindres fragmens sont disposés et gradués avec un art infini. A force de lire et de relire, de tourner et de retourner le manuscrit, je suis parvenu à découvrir les raisons de cette apparente incohérence ainsi que les moyens d’y remédier.

C’est une grande feuille de papier vergé blanc jauni qui a dû être pliée en deux, puis coupée. Le manuscrit se compose donc aujourd’hui de deux feuillets distincts, collés sur onglets et couverts, au recto comme au verso, de caractères très dissemblables d’encre et d’écriture, tracés à différentes époques, dans tous les sens, horizontalement, verticalement, à l’envers.

En haut du premier feuillet, au recto qui, ainsi que je le vais