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du Suisse Gessner fut des plus vifs. Il était alors de mode dans la société polie d’avoir l’âme sensible. La Mort d’Abel fut pleurée par de beaux yeux. Diderot ne dédaigna pas de collaborer avec ce graveur-poète qui ornait ses pesans in-quarto de planches d’un burin savant, un peu lourd. Plus tard, Marillier l’illustra à la française, dans ces jolis petits tomes à tranche dorée, reliés en veau écaille, qu’imprimait Gazin, à la marque de Genève, si aisés à dissimuler sous un pli de jupe et pas assez volumineux pour gonfler trop les poches des vestes étriquées. Ces tableaux poétiques d’une Helvétie naïvement idéalisée ne furent pas sans influence sur le génie de Chénier. Il fit à la Suisse l’honneur d’ajuster à ses pipeaux virgiliens (c’est lui qui l’a dit) quelques tiges de roseaux cueillis aux bords des lacs et des torrens alpestres.

J’ai donc groupé dans cette dernière partie toutes les pièces, dédicaces, envois, débuts ou fins d’idylles, et tous les morceaux dont le sens et le son, plus modernes à mon goût, m’auraient semblé détonner dans le concert de la lyre et des flûtes antiques.


La méthode à suivre pour l’établissement du texte ne pouvait offrir de difficultés que dans le détail. Pour toutes les pièces restées aux mains de Latouche et qu’il faut considérer aujourd’hui comme à jamais perdues, le texte des éditions de 1819 et de 1833, alors même qu’il peut paraître douteux, était seul admissible. Il n’y a aucun compte à tenir de celle de 1826. Elle est détestable.

Les manuscrits qui manquent au volume des Bucoliques de la Bibliothèque Nationale sont les suivans :

L’Aveugle dont il ne reste qu’un fragment de quarante-quatre vers, le Mendiant, l’Oaristys, la Leçon de Flûte. Il y faut ajouter les deux morceaux repris aux Elégies et imités de Bion. J’ai donc, pour ces six poèmes, fidèlement reproduit le texte et la ponctuation du premier éditeur. Dans les cas très rares et de peu d’importance où j’ai cru devoir les modifier, j’en ai donné les raisons aux Notes et Variantes.

Quant aux originaux que j’avais sous les yeux, je les ai transcrits scrupuleusement. J’ai respecté les ratures, les surcharges, les corrections, même lorsqu’elles m’ont semblé malheureuses, sauf en un cas où l’erreur était évidente. Devant les variantes, je