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Très vraisemblablement, cet avantage n’avait pas échappé à la Commission. Mais elle a dû y renoncer et abandonner en conséquence l’idée de la double prime parce qu’elle avait le dessein de venir en aide aux armateurs possédant déjà une flotte, et ayant supporté tout le poids des prix de construction américains. Ceux-ci ayant déjà payé leurs navires aux chantiers, c’était seulement entre leurs mains que pouvaient être versées les primes compensant à la fois les prix élevés de construction et les frais élevés d’exploitation. A moins de créer deux régimes distincts, l’un pour les navires en service, l’autre pour les navires à construire, il fallait adopter le système de la prime unique à l’armateur, sauf au constructeur à lui en reprendre une partie à débattre entre eux à chaque commande.

Le terrain allait ainsi se déblayant. Cependant il y a bien des moyens de favoriser les armateurs ; la prime directe en argent est le plus simple à concevoir ; les Américains en redoutaient l’impopularité et ont examiné, avant de s’y résoudre, beaucoup de moyens détournés.

Un des plus séduisans est la prime à l’exportation par mer sous pavillon américain. Les États-Unis ont un fret d’exportation peu varié, se prêtant merveilleusement aux chargemens en masse. Ce sont des grains, des viandes conservées, des pétroles, des cotons, des produits de grosse métallurgie. Les navires de tous pavillons viennent avidement rechercher ce fret. Une prime à l’exportation sous pavillon américain les obligerait à renoncer à la concurrence et assurerait un énorme trafic aux navires des États-Unis. Ce système a été très bien défendu devant la Commission et par des hommes d’une grande autorité, entre autres par M. J. J. Hill, le président du Great Northern Railroad. Il est bien adapté aux besoins et aux ressources du pays ; il s’appuie en effet sur la puissance des forces productrices américaines, sur la masse toujours croissante des blés et des viandes expédiées au dehors par la culture, sur l’incessant progrès de la métallurgie, sur le développement ininterrompu de l’industrie du pétrole. Il a en outre l’avantage de permettre la spécialisation à un haut degré. Sûrs désormais de charger d’énormes quantités d’une même marchandise, les Américains ne manqueraient pas de créer des types de bateaux spéciaux pour les grains, les viandes, etc. Ils établiraient aussi sur les côtes des installations analogues à celles qu’ils ont inventées sur la rive des