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d’affaires, assez peu préoccupés, semble-t-il, de scrupules juridiques, acceptaient cette solution en raison de certains avantages personnels qu’ils espéraient en tirer. C’étaient principalement des armateurs désireux de payer leurs navires moins cher en s’adressant pour leurs commandes aux chantiers anglais. Actuellement l’obligation de faire construire aux États-Unis pèse lourdement sur eux. Elle ne leur impose pas seulement une mise de fonds plus forte ; elle se résout aussi en augmentation de charges pour l’amortissement et l’assurance de leurs navires.

Quant à la composition de leurs équipages, les armateurs américains ne gagneraient pas grand’chose à l’extension de la liberté qui leur est déjà laissée à cet égard. Seuls, en effet, le capitaine, les officiers et les maîtres sont obligatoirement des citoyens américains ; les matelots peuvent être tous étrangers et, en fait, les armateurs de la côte du Pacifique emploient une grande quantité de Chinois. On pense bien que cela n’est pas sans soulever de vives protestations. Devant la Commission, M. Frazier, secrétaire général de l’Union internationale des marins d’Amérique, s’en est fait l’interprète ; il a rappelé qu’un bill avait été déposé pour interdire l’emploi des Chinois sur les navires américains ; il a fait valoir que leur exclusion de la marine était aussi justifiée que leur exclusion des industries s’exerçant à terre[1]. Mais les armateurs du Pacifique ont déclaré qu’ils seraient obligés de cesser leur exploitation du jour où ils ne pourraient plus engager de Chinois à bord. Sur l’Atlantique, les matelots étrangers figurent aussi pour une forte proportion dans les équipages de navires américains. C’est précisément pour cela que l’on se préoccupe de créer un corps de volontaires de la flotte, naviguant d’ordinaire sur des navires marchands américains et pouvant recruter en cas de guerre les équipages de l’État.

Par suite, on voit bien l’avantage que les armateurs pourraient tirer des free Ships, de la liberté d’acheter leurs navires à l’étranger ; on voit moins celui que leur procureraient des free Crews, des équipages pouvant être entièrement recrutés à l’étranger[2]. Le système des free Ships permettrait aux armateurs

  1. Hearings, t. I, p. 616.
  2. En Angleterre, les armateurs ont la liberté de prendre des capitaines et officiers étrangers. En fait, 2 pour 100 seulement des capitaines et officiers embarqués sous pavillon anglais sont étrangers.