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des navires ayant transité par le canal de Suez en 1903 n’arrive pas à 12 millions de tonneaux (11 907 288).

Mais ces chiffres n’ont rien de décourageant pour l’avenir de la navigation américaine. Si, à elle seule, une région des États-Unis, — parmi les plus actives, il est vrai, — a pu fournir de tels élémens de trafic à une navigation intérieure, quelle masse de produits le commerce extérieur américain n’est-il pas capable de livrer à la navigation au long cours ?

Il a déjà fait ses preuves au surplus. Les importations des États-Unis, en 1903, avaient une valeur dépassant cinq milliards de francs ; leurs exportations valaient plus de sept milliards et demi de francs. Sauf les relations avec le Canada et le Mexique, tout ce mouvement de marchandises a lieu par mer. Ajoutez à cela le nombre considérable de passagers qui se dirigent sur les États-Unis ou qui en partent et le flot d’immigrans qui s’y précipite chaque année[1].

Ce n’est donc pas le fret qui manque à la marine marchande américaine. Le fret est abondant, mais elle est insuffisante pour le transporter. La concurrence étrangère lui en enlève 90 pour 100. Avec ses huit cent mille tonneaux de jauge affectés au long cours elle ne répond que dans la proportion de 10 pour 100 aux besoins du commerce extérieur.

Ce qui lui manque, c’est une compensation aux deux infériorités dont elle souffre et que nous avons signalées. Et cette compensation n’est pas considérée par les auteurs du projet comme un simple moyen de défense. Ils y voient surtout un moyen de progrès. En encourageant la marine marchande, en lui fournissant une protection analogue, dans ses effets sinon dans sa nature, à celle dont jouissent le cabotage et la navigation des Grands-Lacs, ils pensent obtenir des résultats semblables. Du jour où l’armement américain sera une industrie profitable, ceux qui s’y livreront ne manqueront pas d’y introduire les méthodes modernes de travail dans toute la mesure possible, particulièrement en ce qui concerne les opérations accessoires de manutention. Par suite, les frais d’exploitation qui les grèvent si lourdement aujourd’hui se trouveront diminués, et une des causes de leur infériorité s’atténuera en proportion des économies réalisées

  1. D’après l’Office de statistique universelle d’Anvers, il y a eu 857 045 immigrons en 1903. C’est le chiffre le plus élevé qu’on ait jamais eu à inscrire jusqu’ici Le chiffre le plus bas depuis 20 ans est celui de 229 299 en 1898.