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pour atteindre ce but ; ils sont fixés sur les conditions qui leur en permettraient la pratique. La situation peut donc se modifier en ce qui les concerne ; l’exemple des Grands-Lacs le démontre.

Il en va tout autrement des armateurs se livrant à la navigation de concurrence. En premier lieu, ils ne jouissent d’aucun monopole. Et les chargeurs qui forment leur clientèle ne confient leurs marchandises à un navire américain que si aucun navire étranger ne leur offre de conditions plus avantageuses. Dans ce pays protégé à outrance, l’industrie de la navigation au long cours se trouve livrée sans défense à toute l’ardeur des compétitions étrangères. En second lieu, leur industrie ne se prête guère aux économies de main-d’œuvre. Sans doute un cargo-boat de 7 000 tonneaux emploie moins d’hommes d’équipage que deux cargo-boats de 3 500 tonneaux ; il a plus d’espace disponible ; il y a donc des économies possibles dans le sens de l’augmentation de la dimension des navires. Mais ces économies sont déjà réalisées par la plupart des flottes de commerce, et elles rencontrent d’étroites limites dans la profondeur des ports à desservir, dans la longueur des écluses qui y donnent accès, sans compter la difficulté commerciale de remplir de trop vastes cales. Le champ ouvert aux ingénieuses combinaisons du machinisme est moins large également que dans les industries de production. L’équipage de pont est employé à des services exigeant du discernement, échappant par conséquent à l’aptitude des machines, ou à des opérations variées, dispersées, rendant leur emploi difficile. Les mécaniciens accomplissent une tâche de surveillance et de direction fatigante et délicate ; on ne peut diminuer leur nombre sans compromettre la sécurité du navire ; seuls les chauffeurs et les soutiers font une besogne matérielle susceptible d’être exécutée par des moyens mécaniques. L’ingéniosité se heurte donc ici à des obstacles qui ne sont guère surmontables, et la cherté de la main-d’œuvre pèse d’un poids très lourd et à peu près irréductible sur l’armement américain.

La Commission s’est efforcée de préciser autant que possible l’infériorité qui en résulte. Mais la tâche est ardue. D’un côté, certains armateurs exploitant à la fois des navires placés sous pavillon américain et des navires placés sous pavillon anglais, affirment avec preuves à l’appui que la différence des salaires ne ressort pas à plus de 18 pour 100 ou de 30 pour 100.