Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 29.djvu/878

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fournira aussi bon compte que la métallurgie anglaise pour laquelle elle est devenue une redoutable concurrente ; mais l’armateur américain succombe sous le poids de deux désavantages bien nets : 1o  il paie ses navires plus cher que son grand rival l’armateur anglais ; 2o  il les exploite à plus grands frais. Sur ces deux points, les nombreuses dépositions recueillies par la Commission américaine nous renseignent exactement. Coût de la construction, coût de l’exploitation, ces deux titres se détachent du texte de la plupart des témoignages ; c’est le nœud de la question.

Naturellement, ces témoignages sont loin d’être tous concordans lorsqu’il s’agit d’estimer la différence de prix entre la construction navale américaine et la construction navale anglaise. Certains comparans indiquent un pourcentage général sans l’appuyer d’aucune justification ; d’autres, tombant dans l’excès contraire, fondent leur estimation sur un fait isolé : « Un vapeur tramp[1] coûte deux fois en Amérique ce qu’il coûterait en Angleterre, dit un armateur de San Francisco[2]. Il y a deux mois, j’ai commandé en Angleterre un vapeur de 7 000 tonneaux pour 977 280 francs. La meilleure offre que j’aie reçue des chantiers américains pour un navire pareil était de 2 230 000 francs. » Évidemment, il s’agit d’un cas exceptionnel, le prix consenti par le chantier anglais étant sensiblement au-dessous de ceux qui sont ordinairement pratiqués.

Mais certains témoignages empruntent à l’autorité de ceux qui les fournissent et aux détails dont ils les appuient une valeur plus sérieuse. M. Edwin S. Cramp, vice-président de la Cramp Shipbuilding Company, un des chantiers les plus renommés des États-Unis, apprécie à 40 pour 100 la différence actuelle entre les prix américains et les prix anglais. Elle n’était d’après lui que de 10 ou 15 pour 100 au début de l’administration de Mac Kinley, en 1896 ; mais elle s’est accrue sous l’influence de deux élémens, la cherté de la matière première et la hausse de la main-d’œuvre. La grande poussée de consommation métallurgique qui a eu lieu aux États-Unis depuis la guerre hispano-américaine a fait augmenter les prix de l’acier dans une forte proportion. Les trusts métallurgiques se sont attachés depuis lors

  1. Navire sans service régulier.
  2. Hearings before the merchant Marine Commission, vol. II, p. 1285.