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utile d’une flotte de guerre. Il y a donc des raisons politiques pour l’augmentation de la marine marchande américaine. Les messages du président Roosevelt les mettent en pleine lumière[1].

Il y a aussi des raisons économiques. Le commerce extérieur maritime des Etats-Unis est considérable ; mais l’armement américain n’y a qu’une faible part, environ 10 pour 100 seulement. On affirme que les États-Unis paient annuellement une somme de cent cinquante millions de dollars, soit sept cent cinquante millions de francs, aux pavillons étrangers pour leurs transports maritimes. Il y a donc pour eux un intérêt de premier ordre à créer une marine marchande nationale qui retienne dans le pays la plus grande partie possible de cette énorme contribution, qui en fasse un élément de progrès pour l’ensemble des industries américaines. A coup sûr, cette marine peut être largement alimentée par le commerce national.

Ce n’est pas tout. L’énorme production américaine ne peut pas se passer de débouchés à l’étranger. Et à mesure qu’elle augmente, de nouveaux marchés lui sont nécessaires. Les armateurs étrangers qui servent de rouliers de mer à l’exportation américaine se renferment tout naturellement dans leur fonction étroite ; des armateurs américains auraient davantage le souci de découvrir ou de créer les marchés nouveaux réclamés par le commerce. Leur intérêt propre les y pousserait plus encore que leur patriotisme ; car ils s’assureraient facilement la grosse part dans le transport des exportations nouvelles qu’ils provoqueraient. Ils deviendraient ainsi pour le commerce national à l’extérieur de précieux auxiliaires.

L’intérêt politique et l’intérêt économique sont donc parfaitement d’accord pour réclamer un prompt relèvement de la marine marchande américaine, Mais il reste à déterminer par quels moyens on parviendra à fortifier cette branche anémiée de l’activité américaine. En 1901, un projet de loi, connu sous le nom de Bill Hanna-Payne, avait été élaboré à cet effet. Il ne rencontra pas les concours nécessaires et fut abandonné. Mais la difficulté de résoudre le problème n’enlevait rien à son importance. De plus en plus il s’imposait aux préoccupations des hommes d’État et, dès le début de l’année 1904, une

  1. Voir notamment celui du 7 décembre 1903 dans lequel le Président de la République recommandait aux Chambres en termes exprès l’enquête sur la Marine marchande d’où est sorti le projet actuel.