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serai de retour à la Chênaie, j’écrirai à M. Carron pour le prier de s’intéresser en sa faveur.

Vous avez sûrement connaissance de l’opposition que rencontre mon deuxième volume. Cela tient à plusieurs causes, parmi lesquelles il y en a que je ne voudrais pas rappeler ici. Mes adversaires ont été déjà contraints de revenir sur leurs pas. Ils n’entendent ni ce que j’ai dit, ni ce qu’ils disent. J’avais commencé une Défense, mais je me suis arrêté tout court par la considération du mal qui pourrait résulter de ces discussions[1]. J’ai prouvé, dans mon premier volume, que le protestant, le déiste et l’athée en prenant la raison particulière pour règle de leurs croyances, ne pouvaient établir aucune doctrine et étaient inévitablement conduits au scepticisme absolu. Ni les protestans, ni les déistes, ni les athées ne m’ont répondu, et aucun catholique ne s’est alarmé de ma doctrine. Je redis la même chose en d’autres termes et avec plus de développemens dans mon deuxième volume, et l’École tout entière se soulève. Ils n’ont pas vu que tout se tenait dans mon ouvrage et que les mêmes principes y règnent partout. Il y aurait du danger à montrer cela, maintenant que les esprits sont échauffés, et en conséquence je me tairai aussi longtemps qu’il me sera permis de me taire. Agréez, Monsieur, l’expression de mes sentimens respectueux.

F. DE LA MENNAIS.

1821


Paris, 14 Juillet 1821.

Il me serait bien agréable, Monsieur et très respectable ami, de pouvoir passer quelque temps près de vous ; mais je ne sais pas quand cela me sera possible. Je me proposais de retourner en Bretagne où j’ai des affaires et où je me porte mieux qu’ici. La mort de M. l’abbé Carron a dérangé tous mes projets. Elle m’oblige à demeurer habituellement à Paris, où je réunis près de moi quelques-unes des personnes qui, depuis de longues années, vivaient avec le saint que nous regrettons. La demoiselle anglaise dont vous me parlez n’a jamais été dans les établissemens de M. Carron ; seulement il la dirigeait. C’est une personne pieuse et simple, dont les prières et l’exemple ont été fort utiles à sa

  1. Lamennais a, comme on le sait, repris et achevé sa Défense de l’Essai sur l’indifférence, qu’il a publiée en 1821.