Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 29.djvu/73

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la caserne, et que révélèrent au Reichstag certaines interpellations bruyantes, la besogne militaire ne leur apparaît jamais comme étant de moindre valeur ou de moins bon aloi que leur besogne de pédagogues ; et l’idée ne leur vient point, pour jouer aux philosophes, de signifier au métier des armes je ne sais quel dédain prétentieusement intellectuel. L’un de leurs maîtres, Herbart, tout épris qu’il fût par ailleurs d’idées humanitaires, écrivait un jour : « L’élévation de l’esprit qui se produit dans les luttes vraiment ardentes pour la défense de la patrie a, pour l’éducation même du caractère, infiniment plus de valeur que tout ce qu’on pourrait attendre des préceptes et de l’enseignement. » On aime à trouver, sous la plume de ce grand pédagogue, cette jolie note d’humilité. Il sentait, apparemment, que la pédagogie a plus de vertu vraie lorsqu’elle s’efface à son rang que lorsqu’elle se boursoufle et s’étale, et que parfois elle court le risque, par péché d’orgueil, de devenir nuisible et destructive. La pédagogie allemande juge très beau, très noble et très digne d’elle, le dressage des futurs soldats de Sa Majesté l’Empereur.


VI

L’école allemande est nationale par tradition : pour être un ardent foyer de patriotisme, elle n’a qu’à demeurer fidèle à ses précédens eux-mêmes. Le Japon, l’Angleterre, les Etats-Unis d’Amérique, nous offrent au contraire l’exemple de pays où la préoccupation patriotique de l’école primaire est presque une nouveauté des dernières années.

Le Japon, si jeune qu’il soit, a déjà eu le temps de changer l’esprit de son enseignement. La culture japonaise, il y a un quart de siècle, se complaisait dans un certain internationalisme ; aujourd’hui, le nationalisme s’y épanouit, sous une forme offensive, hautaine, aventureuse. Pour le petit Japonais, l’histoire de son pays est l’histoire sainte ; elle est le fond de sa doctrine, le fond de sa morale, elle apprend à vivre pour, le Mikado, et à désirer l’occasion de mourir pour lui ; et c’est presque un acte de religion que font là-bas les écoliers lorsque à tue-tête ils chantent : « De tous les pays, notre pays a un empereur qui dans le monde est sans rival. » M. André Bellessort, entrant il y a quelques années dans une caserne japonaise, assistait à une sorte de catéchisme, donné à la chambrée