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Toutefois, celui au détriment duquel le divorce est prononcé, même s’il a fini par s’y résigner de mauvaise grâce, en reste péniblement affecté. C’est le cas de la Suède. Mais enfin elle a donné son consentement après avoir fait accepter ses conditions, et tout s’est passé à l’amiable. Quant à la Norvège, sa joie est pour le moment sans mélange. Elle voulait être une nation autonome ; elle va l’être. Elle aura un gouvernement à elle, un roi sans doute, des ministres à l’étranger, des consuls, enfin tout ce qui constitue la souveraineté et qui la représente. C’est seulement plus tard qu’elle s’apercevra, comme la Suède, qu’elle est plus petite de moitié.

Nous n’entrerons pas dans le détail des conférences de Carlstad. Elles ont été interrompues un moment, et on a craint qu’elles ne fussent rompues. L’inquiétude a été grande : on s’est demandé ce qui allait advenir. Les commissaires se sont réunis de nouveau et ont fini par se mettre d’accord : nous aurions eu peine à comprendre qu’ils ne l’eussent pas fait. La question sur laquelle on s’est buté pendant quelques jours, celle des fortifications construites entre les deux pays, tenait plus à l’amour-propre qu’à des intérêts vitaux : elle devait prêter à une transaction. Les fortifications en cause n’auraient pas été assez fortes pour assurer l’indépendance norvégienne, qui a heureusement des garanties plus efficaces. On comprend toutefois que la Norvège y ait tenu comme à une représentation de sa souveraineté. La Suède, de son côté, pouvait y voir une menace, non pas bien terrible peut-être, mais importune, et on comprend aussi qu’elle en ait demandé la destruction. On a dit tout de suite que quelques-unes de ces forteresses, celle de Frederikstein par exemple, rappelaient de grands souvenirs historiques et avaient un caractère de vétusté vénérable qui ne permettaient pas à la Norvège d’en faire le sacrifice. Son refus a paru légitime : la presse universelle l’a approuvé. Mais, depuis, le roi de Suède lui-même a dit à un journaliste qui était venu l’interviewer, — les rois eux-mêmes aujourd’hui se montrent accessibles à l’interview, — que jamais la Suède n’avait demandé la démolition des forteresses historiques : il s’agissait seulement de celles qui étaient des ouvrages militaires modernes. Tout s’est arrangé. Certaines forteresses seront détruites, d’autres seront conservées, et parmi ces dernières est celle de Kongsvinger, à laquelle les Norvégiens tenaient beaucoup, parce qu’elle leur rappelle plusieurs épisodes de leur vie nationale : aussi, quand ils ont su qu’elle serait épargnée, ont-ils laissé éclater leur joie. Cette concession leur a été particulièrement sensible. Nous espérons d’ailleurs que les