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avons le plus grand intérêt à bien analyser au point de vue de la colonisation la puissance la faiblesse, les qualités et les défauts, c’est incontestablement le peuple anglais qui, perpétuellement, et dans les diverses régions du globe, se trouve en contact avec nous.

Exposer, fût-ce d’une façon très sommaire, l’ensemble du système colonisateur anglais, ne m’est pas possible ici. Mais, à défaut d’une vue d’ensemble de cette énorme machine administrative, je voudrais essayer d’en donner une idée. Cette étude restreinte ne me paraît pas dénuée d’intérêt, parce que, si la machine possède des rouages infiniment variés, chacun d’eux forme un tout complet, original, autonome dans son fonctionnement.

Et voilà déjà un premier fait où apparaît la différence entre la méthode suivie par nos voisins et celle que nous employons. Eux et nous, nous ne sommes pas partis du même pied, nous ne marchons point à la même allure et nous n’envisageons point le même but.

Notre idéal est l’assimilation, le leur est l’adaptation.

Je m’explique.

Amoureux de la symétrie, nous imposons à nos colonies des règlemens conçus d’après un type uniforme ; nous voulons faire de nos possessions d’outre-mer des Frances prolongées et de pseudo-départemens. C’est l’assimilation.

Les Anglais ne sont pas hantés de semblables préoccupations et ne cherchent nullement à reproduire par-delà les océans des comtés agrandis ou réduits. Loin de travailler à créer d’après le modèle métropolitain leurs législations exotiques, ils les confectionnent, — si j’ose m’exprimer ainsi, — sur place et sur mesure, en se servant des élémens locaux et en tenant compte de la mentalité, du génie national, des ancestrales traditions des peuples auxquels elles sont destinées. C’est l’adaptation.

Mais, tandis qu’avec bonhomie, le colon français installe à son foyer les mœurs et les coutumes des peuples conquis, devenus des frères, les Anglais se cantonnent orgueilleusement dans la supériorité de leur civilisation occidentale et ne changent, sous. aucun prétexte, quoi que ce soit à leur genre de vie ordinaire.

Les deux systèmes aboutissent donc à ceci :

Du côté français, rigidité dans les procédés administratifs et abdication presque complète de la prédominance métropolitaine ;