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dans l’édicule, il n’y avait pas de Mise au tombeau[1]. C’était bien là pourtant qu’un tel sujet eût été à sa place[2]. Dans la chapelle des Cordeliers, il n’y avait pas non plus de Mise au tombeau, et la preuve, c’est que les confrères ne s’avisèrent d’en faire faire une qu’au XVIe siècle[3].

Il en faut conclure qu’au XIVe siècle, au temps de la plus grande ferveur des confréries du Saint-Sépulcre, les Mises au tombeau n’étaient pas encore à la mode.

Les Mises au tombeau remonteraient-elles au moins aux premières années du XVe siècle ? On l’a soutenu récemment et on a prétendu démontrer que le plus ancien Saint-Sépulcre à personnages aurait été sculpté à Limoges, en 1421, par un Italien[4]. Une veuve de Limoges, nommée Paule Audier, à son retour de Jérusalem, fit faire une Mise au tombeau par un artiste qu’elle avait ramené de Venise. L’œuvre fut mise en place en 1421, dans l’église Saint-Pierre-du-Queyroix. Depuis, elle a disparu sans laisser de trace. — Mais il y a là une erreur manifeste dans l’interprétation du document. Car, si l’on veut se reporter au texte, on reconnaîtra qu’il s’agit ici, non pas d’une Mise au tombeau, mais tout simplement d’un sépulcre fait à l’image de celui de Jérusalem[5]. Cette forme de dévotion fut longtemps en honneur. Dans plusieurs églises il y avait des caveaux ou des édicules, dont les dimensions étaient exactement celles du Saint-Sépulcre de Jérusalem. Ces chiffres semblaient sacrés et doués d’une vertu mystérieuse. Des pèlerins portaient une ceinture dont la longueur avait été mesurée sur celle du Saint-Sépulcre.

Le plus ancien Saint-Sépulcre à personnages qui porte une date certaine est celui de Tonnerre. Il est de 1453. Mais il est certain que cette œuvre admirable ne fut pas, en ce genre, le

  1. Millin, dans ses Antiquités nationales, tome III, p. 4, nous a laissé une description très précise de la chapelle de la rue Saint-Martin, qu’il avait pu voir avant sa démolition. S’il y avait eu une Mise au tombeau dans l’édicule du Sépulcre, il n’eût pas manqué de la signaler.
  2. Dans l’église du Temple de Paris, il y avait aussi un caveau qui représentait le Saint-Sépulcre. On y installa une Mise au tombeau, mais, seulement à la fin du XVe siècle. Voyez De Curzon, la Maison du Temple de Paris, 1888, p. 90.
  3. Voir Du Breul, Théâtre des antiquités de Paris, édition de 1612, p. 536.
  4. Abbé Leclerc, Étude sur les Mises au tombeau.
  5. Voici ce texte : « L’an 1421 de N.-S., Paule Audier de Limoges revenant de son pèlerinage de Jérusalem, passant par Venise, amena avec soy un sculpteur qui tailla et apporta le dessin du monument de Notre-Seigneur, à la ressemblance de son sépulcre de Jérusalem, lequel il fit et posa dans l’église Saint-Pierre de Limoges. (Bulletin de la Société archéologique de la Corrèze, t. XIV, p. 196.)