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Ils ne séparent jamais dans leurs méditations la mère et le fils. Jésus et Marie, répètent-ils, sont plus qu’unis dans ce mystère, ils ne sont qu’un. Aucune créature, disent-ils encore, n’étant plus unie à Jésus-Christ que sa mère, aucune n’a pu souffrir davantage. Gerson se lamente de ne pouvoir assez pleurer : « Qui me donnera de verser autant de larmes que j’écris de lettres pour raconter les souffrances de Notre-Dame. » C’est pourquoi, de même que l’on disait Christi Passio, on commence à dire, dès le XVe siècle, Mariæ Compassio. Cette Compassion de la Vierge, c’est l’écho de la Passion dans son cœur.

L’Église fit bon accueil à ces sentimens qui, au XVe siècle, étaient devenus ceux de la chrétienté tout entière. En 1423, le synode de Cologne ajoute aux fêtes de la Vierge une fête nouvelle, celle « des angoisses et des douleurs de Notre-Dame. »

Les artistes n’avaient pas attendu aussi longtemps pour exprimer cette douleur. Dès la fin du XIVe siècle, ils commencèrent à représenter ce que les mystiques appelaient « les sept douleurs de Notre-Dame. » Il importe de remarquer que le XIIIe siècle, toujours épris des côtés les plus tendres du christianisme, n’avait connu que les « sept joies » de la Vierge. C’est au XIVe siècle seulement que les écrivains religieux commencent à opposer aux « sept joies » les « sept douleurs. » Ils comparent ces douleurs à des épées, et bientôt les artistes seront amenés à représenter la Vierge percée de sept glaives.

Parmi ces douleurs de Notre-Dame, il en est une qui a attiré, entre toutes, l’attention des artistes. Dès la fin du XIVe siècle, on voit apparaître la Vierge de pitié, la Pietà, comme disent les Italiens, c’est-à-dire la Vierge portant son fils mort sur ses genoux. C’est là une silhouette toute nouvelle dans l’art. L’idée de ce groupe remonte aux Méditations de saint Bonaventure sur la vie de Jésus-Christ. Le livre date de la fin du XIIIe siècle, mais il ne devint populaire que dans le courant du XIVe. Saint Bonaventure est le premier qui nous dise qu’après la descente de croix, la Vierge prit le cadavre de son fils sur ses genoux et le contempla longuement.

En France, j’ai rencontré pour la première fois ce sujet dans des manuscrits de la fin du XIVe siècle. Les Pitiés (c’est ainsi qu’on désignait ce groupe dans notre vieille langue) ont été peintes longtemps avant d’avoir été sculptées. Ce sont des minia-