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patriotisme de l’instituteur s’exaltait : « Le principal objet de l’enseignement historique à l’école primaire, signifiait l’inspecteur Pizard sera toujours les événemens militaires et l’action gouvernementale, parce que cette partie de l’histoire est la plus facile et la plus intéressante pour les enfans ; parce qu’aussi elle est la plus utile, puisqu’elle prépare dans l’enfant d’aujourd’hui le soldat de demain et fortifie dans les jeunes cœurs le sentiment national. » Sous l’impulsion d’un pareil souci, l’enseignement de l’histoire pouvait s’élever au-dessus des questions qui divisent, au-dessus des chicanes de parti, ainsi que l’indiquait en excellens termes, dans le Manuel de l’Instruction primaire, l’inspecteur général Vapereau. « Il y a, disait-il, l’histoire monarchique et aristocratique, et l’histoire républicaine, démocratique ou même démagogique ; il y a l’histoire religieuse ou cléricale, et l’histoire philosophique, libérale ou même libre penseuse. Pourquoi n’y aurait-il pas l’histoire patriotique, faisant aimer la France dans le passé comme dans le présent, simplement en la faisant bien connaître ? » La connaissance du passé de la France ne devait pas armer les uns contre les autres les enfans de la même patrie, mais, tout au contraire, les unir et les resserrer ; en même temps qu’une école d’esprit militaire, l’histoire devait être une école d’union civique.

Promenades militaires et manuels primaires, gymnastique et lectures, récitations et tableaux muraux, livres de prix et livres de chant : tout cela, sous l’action de l’instituteur, convergeait, s’unissait et s’harmonisait, en une discipline bien complexe et bien précise, qui était une sorte d’introduction à l’amour de la France. Mais pourquoi le peuple entier n’aurait-il pas bénéficié de cette discipline ? On s’éprenait, dans le monde scolaire, de l’idée de certaines fêtes civiques, destinées aux grands comme aux petits. On se souvenait des fêtes révolutionnaires, et l’on songeait à les calquer ; on empruntait au positivisme l’auguste fantaisie du culte des grands hommes, mais ceux qu’on saluait comme les premiers d’entre les grands hommes, c’étaient les confesseurs et les martyrs de l’idée de patrie, et Jeanne d’Arc, dont aucun Français n’osait alors discuter la gloire, était désignée comme devant être le premier objet de cette sorte d’ « héroïsation » nationale. On vit même le curieux épisode d’un essai de laïcisation de la figure de Jeanne d’Arc : un comité républicain pour la fête civique de l’héroïne se créait à Rouen ; un congrès