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sentirons se manifester en nous. Elle se révèle, vous le voyez, comme la puberté physique, par des désirs, par des troubles intérieurs singuliers, par des efforts stériles d’abord, qui nous font douter de notre puissance génératrice et de nos facultés viriles. Qu’augurer de ces phénomènes ? Rien encore ; il faut attendre, aider au développement de nos forces morales, les accroître par l’exercice, les diriger par le sentiment acquis du juste et du vrai et surtout les tendre vers le but choisi avec une volonté forte, constans ac perpetua voluntas, comme dit Justinien. L’esprit humain est un arc dont la volonté est la corde. Je le sens comme vous, mon ami, je me fais homme ; la meilleure preuve de ce fait, c’est que l’avenir me travaille incessamment, — non pas l’avenir social, mais l’avenir intérieur, ou plutôt les deux à la fois. »

Une chose m’étonne et m’attriste, c’est qu’il y ait si peu d’hommes, parmi tous ceux qui s’appellent ainsi : entendue en ce sens, la plaisanterie de Diogène est profondément philosophique. Le secret de la vie, c’est de connaître sa mesure ; le but, c’est de la fournir ; le moyen, c’est de choisir une sphère d’action proportionnée… »


Eugène continue de travailler « avec ardeur et sans presque désemparer, » mais « à huis clos. » Personne ne le conseille ni ne l’encourage. Son père critique tout ce qu’il fait, le moment est venu des graves discussions de famille.

Sur ces entrefaites, un des oncles maternels de Fromentin, installé dans la maison de Saint-Maurice pour y passer quelques jours, y meurt subitement. La mère d’Eugène est bouleversée, inconsolable.


En raison de la mort de son oncle et d’une crise aiguë survenue dans la maladie d’Emile Beltrémieux, alors à La Rochelle, Eugène est resté quelques jours sans travailler. Il se remet à la besogne et achève son petit tableau qui lui paraît bien pitoyable. Il voit en lui des choses charmantes, mais comment les réaliser ? Il y a des jours où il ne compte aucunement sur l’avenir.


«… Le beau temps, la belle nuit ! Vous savez tout mon chapelet sur l’automne, je ne vous le défilerai pas pour cette fois, mais vraiment, plus je vais, plus je me trouve un attachement