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proposition d’échange, celle-ci n’en est pas moins d’initiative allemande. Les négociateurs l’ont, sans doute, vu poindre de bonne heure, mais ils étaient impuissans à l’empêcher de se produire. En outre, comme ils ne pouvaient prévoir la suite qu’elle recevrait, leur strict devoir était de la discuter. Quant à la solution à lui donner, elle était du ressort de l’Assemblée nationale.

La question de principe peut donc se poser ainsi : L’Assemblée nationale avait-elle le droit d’aliéner la nationalité d’un certain nombre de Français au préjudice d’autres ? La réponse n’est pas douteuse : elle avait ce droit, parce qu’elle représentait souverainement la nation française ; elle aurait pu, il est vrai, l’exercer dans un sens défavorable à l’échange, mais elle ne le fit pas, parce qu’elle avait, au contraire, des raisons d’approuver cette combinaison. L’importance de la place de Belfort, pourvue d’une large zone, lui paraissait devoir racheter la perte, si sensible qu’elle fût, des territoires lorrains ; elle tenait compte également de ce que le nombre d’habitans et d’hectares rétrocédés autour de la place était notablement supérieur à celui des territoires abandonnés par échange. Ajoutons que les populations lorraines cédées à l’Allemagne pouvaient toujours opter pour la nationalité française.

L’échange ne se présentait donc pas sous un jour aussi désavantageux que le pensait, à Bruxelles, et que l’a dit, depuis, le colonel Laussedat. Quand il rédigea pour les négociateurs une note où il réprouvait le procédé qui consistait à « échanger des communes, c’est-à-dire des hommes, comme on ferait du bétail, » il allait encore plus loin contre son principe que les partisans de l’échange, car en se contentant, à la rigueur, du rayon de 7 kilomètres pour conserver d’autre part les terrains voisins de Longwy, il abandonnait au vainqueur un grand nombre d’habitans de la région de Belfort, en un mot des hommes pour du minerai.

L’argumentation du colonel Laussedat contre l’échange reposait en grande partie sur la conviction que les Allemands finiraient par consentir à rétrocéder une large zone autour de Belfort sans exiger l’abandon du bassin minier d’Aumetz. Non seulement il n’a pas justifié cette conviction par des raisons valables, mais il en a ruiné lui-même le fondement en faisant ressortir, avec une insistance soutenue, que l’intention des Allemands a été, dès le début des négociations, de compenser par