Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 29.djvu/485

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pas provoquée, ce qui ne se produira vraisemblablement jamais. Les journaux anglais affirment que le traité n’a d’autre objet que le maintien de la paix : il ne faut douter, ni de leur sincérité, ni de leur perspicacité. L’alliance, par les limites mêmes où elle s’arrête, servirait, s’il était nécessaire, de modérateur et de frein aux impatiences qui pourraient se produire. Elle ne menace personne et tout le monde peut l’envisager sans inquiétude.

Garantie de la paix pour demain, l’alliance a peut-être contribué aussi à la ramener hier. Il y a eu, en effet, dans les conditions où le traité de Portsmouth a été finalement conclu et signé, des détails qui ont surpris et dont on cherche encore l’explication. Sans avoir la prétention de la découvrir avec certitude, il est permis de croire que l’action de l’Angleterre s’est fait sentir très utilement sur les Japonais à Tokio, et par Tokio à Portsmouth, et que le roi Edouard a discrètement, mais très efficacement secondé les efforts plus apparens de M. Roosevelt. L’œuvre était digne de l’un et de l’autre et chacun s’y est employé avec les moyens qui lui étaient propres. Il ne suffisait pas de faire la paix, il fallait encore qu’elle fût durable, et elle ne pouvait l’être que si le Japon n’abusait pas de sa victoire pour imposer à la Russie des conditions qui auraient porté atteinte à son honneur national ou à ses intérêts vitaux. Il serait arrivé alors de deux choses l’une : ou bien la Russie aurait rompu les négociations, la guerre aurait continué, la Mandchourie aurait été encore inondée de sang ; ou bien la Russie n’aurait pas accepté la paix d’une volonté libre et sincère, et elle n’aurait eu désormais d’autre préoccupation que de prendre sa revanche. Que fallait-il pour échapper à ce double péril, l’un immédiat, l’autre probablement assez prochain ? Il fallait que les conditions de paix ne fussent pas trop dures, et surtout qu’elles ne portassent aucune atteinte à l’honneur de la Russie ; il fallait enfin que nul avant longtemps ne pût avoir la tentation d’exposer au jeu des batailles les intérêts réglés et fixés par le traité. L’alliance anglo-japonaise répondait suffisamment à ces objets divers pour qu’il soit permis de croire à son heureuse influence sur la conclusion de la paix. Les Japonais qui ont protesté à Tokio contre le traité de Portsmouth ne connaissaient pas encore celui de Londres. S’ils l’avaient connu, ils ne se seraient sans doute pas laissé entraîner à la violence de leur premier sentiment. Le traité de Londres leur donne la sécurité pour de longues années ; il assure par conséquent à leur pays tout le temps nécessaire pour organiser ses conquêtes et pour en tirer les premiers résultats. C’est un avantage dont on ne saurait