Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 29.djvu/479

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

est très actif, très entreprenant, très hardi, très capable d’avoir accablé son gouvernement de ses services. Il lui a certainement causé quelques embarras.

Les deux autres questions en suspens sont plus importantes : on aurait tort, néanmoins, de s’exagérer la gravité de la première, celle du siège de la conférence. Il n’y a là aucun principe en jeu, loin de là ! il s’agit seulement d’une question de fait. L’Allemagne tient pour Tanger, et la France pour Madrid ou pour telle autre ville plus méridionale de l’Espagne. On a, au premier abord, quelque peine à comprendre la préférence si prononcée de l’Allemagne en faveur de Tanger. Pourquoi Tanger ? Est-ce parce que le Sultan a proposé cette ville ? L’Allemagne, qui l’a poussé à demander la conférence dont il n’avait et dont il n’a certainement aucune envie, veut-elle flatter son amour-propre ? Lui a-t-elle donné une espérance ? Lui a-t-elle fait une demi-promesse ? Ce sont là des considérations dont nous devons sans doute tenir compte ; mais nous serions encore plus disposés à le faire si le Sultan avait fait lui-même quelque effort pour mériter qu’une conférence internationale remit entre ses mains le soin d’assurer sa sécurité. Malheureusement il n’en a fait aucun, et il semble au contraire prendre une certaine complaisance à entretenir à Tanger et dans la région avoisinante l’état d’anarchie dont nous avons signalé quelques traits. S’il ménage ce spectacle à l’Europe pour la décourager de trop s’occuper des affaires du Maroc, il y a, en vérité, un peu d’affectation à exiger qu’elle vienne encore le contempler de plus près. Tanger est aujourd’hui absolument contre-indiqué pour servir de siège à une conférence. On voit mal des diplomates réunis tranquillement autour d’un tapis vert et y garder tout leur sang-froid, tandis qu’on tirerait des coups de fusil sous leurs fenêtres et qu’on se battrait ferme dans la campagne prochaine. Alors, il faudrait faire venir des vaisseaux pour protéger la conférence et la doubler d’une démonstration navale, ce qui serait, on en conviendra, un peu ridicule. Si ce n’était cette crainte, nous n’aurions aucune opposition de principe à faire à la proposition de l’Allemagne. Tanger vous convient, lui dirions-nous ? va pour Tanger ! Nous lui avons déjà fait des concessions plus substantielles. Mais il y a dans ce choix une fantaisie qui doit appeler de notre part des réserves ; et, quand nous disons de notre part, ce n’est pas assez, car les autres puissances auront apparemment à se prononcer dans cette affaire, et rien ne les oblige à accepter les yeux fermés ce qui aurait été convenu entre l’Allemagne et la France. Les objections que nous n’aurions pas faites, d’autres les feraient. Peut-être même