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de supposer qu’il a dû y avoir une transition, et que, puisque cette transition ne se trouve pas à Florence, le jeune Giotto a dû s’instruire dans quelque autre ville, où déjà des peintres avaient commencé à s’émanciper des formes byzantines.

Ces peintres ont existé, en effet ; et leur œuvre n’a pas entièrement péri. Nous la rencontrons, par exemple, à Assise, dès notre entrée dans l’Église Supérieure de Saint-François, lorsque nous venons voir, dans cette vénérable église, les premières peintures authentiques de Giotto. Nous découvrons là une série de Scènes de l’Ancien Testament qui, évidemment antérieures aux débuts de Giotto, et se rattachant encore de très près aux mosaïques de l’ancienne école, ont déjà pourtant quelques-uns des principaux caractères de l’école nouvelle, et, à coup sûr, relèvent déjà plutôt de celle-ci que de l’autre. Liberté de la composition et naturel des mouvemens, justesse du dessin, individualité et vie des expressions, tout, dans ces fresques, annonce et prépare celles que va nous montrer Giotto, sur les mêmes murs. On n’a point manqué, d’ailleurs, de les lui attribuer : mais rien n’y révèle son génie, qui se fait voir tout de suite dans tout ce qu’il a touché. Et ces fresques ne sont pas, non plus, de Cimabue : elles diffèrent trop de toutes les œuvres, qui, à Florence, sont assignées à ce maître. L’homme qui les a peintes, à coup sûr, avait appris son art ailleurs qu’à Florence.

Et j’ajoute que, à défaut de certitude, nous pouvons deviner où il l’a appris. Car si Florence ne nous offre, comme je l’ai dit, aucune trace d’une transition entre le style de Cimabue et celui de Giotto, cette trace subsiste, au contraire, et se manifeste à nous très expressément, dans plusieurs mosaïques et fresques des vieilles églises de Rome, notamment à Sainte-Marie-du-Transtévère et à Sainte-Cécile. Dans cette dernière église, surtout, on vient très heureusement de mettre au jour de grandes fresques, un Jugement dernier et deux scènes de l’Ancien Testament, qui ont dû être peintes, elles aussi, avant les débuts du jeune Giotto, et qui, de même que les fresques de l’Église Supérieure d’Assise, relèvent déjà directement de la peinture moderne. Ces fresques sont-elles, ainsi que le déclarent Ghiberti et Vasari, du maître romain Pietro Cavallini, dont Vasari nous affirme, par ailleurs, qu’il a été l’élève de Giotto ? En tout cas, elles ne sont pas d’un élève de Giotto, qui avait à peine plus de vingt ans quand elles furent peintes. Elles sont d’un homme qui a précédé le maître florentin, et qui sûrement, à Rome ou à Assise, lui a frayé la voie qu’il n’a plus eu qu’à suivre. Et cet homme lui-même, d’ailleurs, n’a fait déjà