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gentillesses du joli langage, et M. Dreyfus-Brisac lui-même réduit sa muse à la portion congrue. Il lui permet tout juste d’ouvrir le volume et de le fermer, de mettre le lecteur en goût au seuil du livre et de le remercier à la fin. S’il lui arrive parfois encore de faire courir, entre deux graves chapitres, de capricieuses arabesques, c’est une espièglerie dont la mutine sera châtiée. N’oublions pas que ce sont ici des livres savans dont le corps, l’essence, la substance est toute de compilation.

Il n’est pas très facile de donner au public une idée de ces volumes qu’enfante chaque année la patience de M. Dreyfus-Brisac ; et d’autre part, il serait peu loyal d’en parler en les supposant connus. L’auteur a beau se plaindre que


De cuistres un gros peloton
Le poursuit à coups de bâton,


et que des régimens d’ennemis, puisant dans l’arsenal de tous les temps, foncent sur lui avec des hallebardes, avec des épées et avec des obus, le fait est que ce grand combat n’a eu jusqu’ici que peu de témoins : ces livres vengeurs n’ont pas fait beaucoup de bruit dans le monde. Vous pourrez toutefois, par un procédé assez simple, vous en représenter l’aspect et le contenu. Vous avez eu sans doute entre les mains des textes classiques « avec les notes de tous les commentateurs ; » supposez donc qu’on ait conservé toutes les notes de tous les commentateurs, mais qu’on ait supprimé le texte. Et encore, on s’est plu de tout temps à consigner au bas des pages, dans les livres des poètes, les vers qui pouvaient prêter à un rapprochement ; supposez qu’on n’ait gardé que les rapprochemens et les références, et que le bas de la page ait envahi toute la page et toutes les pages. Vous obtiendrez ainsi un livre de M. Dreyfus-Brisac. On feuillette avec une sorte de stupeur ces séries de lignes tirées on ne sait d’où, détachées d’on ne sait quel morceau, qui souvent commencent ou s’arrêtent au milieu d’une phrase, à qui manquent ce qui précède et ce qui suit, et qui n’offrent donc aucune espèce de sens. Exemples :


MA. — Avez toujours des fleurs et des ombrages verts,
Ro. — Et de gazons herbus en toute saison verts.


Cela veut dire que Malherbe en écrivant le premier de ces deux vers, a bien pu se souvenir du second qui est de Ronsard.


Co. — Veut pour nous en victime être offert chaque jour.
Ro. — Et sans péché porta de nos péchés la peine.