Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 29.djvu/448

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

S’empourprent comme un front que la pudeur colore.
Tant d’amour parmi tant d’extase semble éclore
Que les esprits berçant leurs essaims radieux
Butinent comme un miel le souvenir des Dieux.
Tout est magnificence et tout est harmonie.
La terre infime avec le grand ciel communie.
Des chants épars sont par mille échos répétés,
Et la lutte de l’ombre et des vagues clartés
Se prolonge sur les flots rougis qu’elle moire.
Fixe éternellement cette heure en ta mémoire,
Ami, car jamais plus tu ne la revivras.
Mais, si tu tends un jour de lamentables bras
Pour étreindre une joie évanouie et morte
Et saisir un lambeau sacré de ce qu’emporte
Le Passé triste, alors, ô rêveur qui souris,
Rayonnera cette heure en tes yeux attendris,
Cette heure unique et si doucement évoquée,
Que par hasard l’aiguille indulgente a marquée.


INVOCATION


Dépasse la Légende et les Mythologies.
O Pan, déchire l’ombre et, lumineux, parais,
Avec ta chevelure agreste de forêts
Et tes rugosités comme des monts surgies.

Dresse-toi ranimant toutes les énergies.
Prends tes os de granit et de marbre et de grès,
Couvre-les de ta chair d’argile, et sois après
L’universel Ancêtre aux formes élargies.

Sois le Dieu triomphal qui charme ou dompte encor
L’Homme, la Brûle et l’Arbre avec un roseau d’or ;
Qui fait des vastes mers émerger les rocs fermes.

Sois le Dieu naturel dont le souffle puissant
Disperse une semence innombrable, et qui sent
Sur son torse velu fourmiller tous les germes.