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Un autre vœu des amis de Versailles serait de voir rendre enfin à sa destination première la salle de l’Opéra, qui tient dans les annales du château une place si notable, depuis les pompeuses représentations du mariage de Marie-Antoinette avec le Dauphin qui devait être Louis XVI, bientôt suivies du trop fameux banquet des gardes du corps, jusqu’à ces nombreuses et émouvantes séances de l’Assemblée nationale de 1871, au lendemain de la guerre, pendant la Commune, lors du vote de la Constitution. A ceux qui entendirent jadis ces retentissans débats et qui retournent dans cette enceinte solitaire, il semble encore revoir, au fauteuil présidentiel, Grévy ou Buffet. Ce fut à cette tribune qu’on entendit Thiers, Dufaure, Gambetta, Broglie, Jules Favre, Chesnelong, Bocher, Challemel-Lacour, Dupanloup, Jules Simon, Laboulaye et tant d’autres orateurs, sans oublier celui qui est mort récemment et qui y remporta un si éclatant succès, le jour où, dans un discours enflammé, traduisant l’effervescence presque unanime de l’Assemblée, il lança à l’adresse de Napoléon III, qui se survivait encore, l’apostrophe célèbre : « Varus, Varus, rends-nous nos légions ! » Mais c’est bien moins du passé historique de cette salle, qu’il s’agit ici que de son caractère artistique, qu’il serait si intéressant de lui restituer et qui, naguère, faisait, avec raison, dire au rapporteur du budget des Beaux-Arts, alors M. Dujardin-Beaumetz : « Il y aurait à faire là la plus délicieuse restauration… On retrouverait dans le grenier le plafond de ce temps, celui de Durameau. L’on reverrait, dans leur éclat, les bas-reliefs de Pajou et cet étonnant foyer qui est peut-être l’une des plus ravissantes choses de cette époque… En construisant récemment un Opéra-Comique, on lui a donné une scène minuscule et on en a oublié les dégagemens ; on serait étonné de la profondeur de la scène de Versailles, aussi grande que celle de l’Opéra[1]. On y retrouverait la machinerie du temps. Il serait indispensable de gratter le badigeon noir et rouge, sous lequel le roi Louis-Philippe a caché l’ancienne et merveilleuse décoration bleu et or… On aurait rendu à l’art un de ses temples favoris. »

En vain objecterait-on à la réalisation de ce vœu,

  1. Il en est de même au théâtre de Trianon, où joua si souvent Marie-Antoinette. Alors qu’il ne renferme que 300 places, la scène y est très profonde. Là aussi, dans cette salle charmante, il faudrait faire disparaître le badigeon datant de Louis-Philippe.