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« une œuvre de mensonge, d’injustice et de haine : » M. Meurgier, délégué des instituteurs au Conseil supérieur, marque d’un dernier stigmate ces erremens du passé. Trop longtemps on entretint les enfans des guerres et de leur histoire, « un non-sens, un crime : » le Journal des Instituteurs veut réagir. Il faut apprendre aux enfans que « la paix universelle est la plus douce des réalités » et que « le pays de la Révolution Française doit déclarer la paix au monde : » l’enseignement historique préparera les petits Français à déclarer cette paix.

Les récits du passé témoignaient naguère en faveur du courage de notre peuple ; ils témoigneront désormais contre notre brutalité. Des groupes pacifistes mettent à la disposition de nos instituteurs des projections représentant les horreurs de la guerre : avec l’aide d’une lanterne électrique, on mettra les « brutes armées » au pilori…, les brutes de France ! Car ne croyez pas que nos charitables pacifistes se permettent de diffamer les mercenaires allemands de la guerre de Trente Ans, ou même, peut-être, d’autres armées venues plus récemment d’outre-Rhin. Le Dieu de la paix les en préserve ! Ce serait provoquer dans les cœurs français la haine de l’étranger. Ils feront donc fabriquer des projections qui ne sont insolentes que pour nous-mêmes, représentant, par exemple, l’incursion des armées de Louis XIV dans le Palatinat : voulant faire détester la guerre et faire aimer les autres peuples, c’est contre le soldat français de jadis que l’orateur pacifiste, dans les cours d’adultes, s’essaie à soulever les âmes sensibles des citoyens français d’aujourd’hui.

Naguère les livres de prix, les images murales, les bons points, exaltaient au regard des petits Français ceux de leurs ancêtres qui avaient su bien mourir : ce sont là désormais des illustrations suspectes, presque coupables, parce que « militaristes. » Un petit livre intitulé : Pour la paix, dirigé contre la gloire des armes, et très chaudement prôné par nos pacifistes les plus éminens, devient le type des livres de lecture auxquels les journaux pédagogiques accordent leur faveur. « J’invite les maîtres, écrit officiellement M. Jules Payot comme inspecteur d’Académie de la Marne, à faire disparaître des murs de l’école les gravures représentant des scènes de violence. » On décrochera donc, apparemment, dans les classes de la Champagne, les cuirassiers de Reichshoffen ou les grenadiers de la Grande Armée, qui confisquaient le regard admirateur des écoliers :