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« l’honneur même » de sa maison est en jeu, recourir à l’autorité du Roi pour fortifier la sienne qu’en sa qualité d’aîné et de chef de sa branche, il est obligé d’exercer sur son frère cadet le Duc de Montpensier. Délicat, ardent et sensible, ce prince, avec la fougue de son âge, s’est épris d’une belle jeune fille de l’aristocratie anglaise, lady Charlotte Rawdon, et veut l’épouser. Ne pouvant contracter cette alliance sans le consentement de son frère, il est allé le solliciter avant même d’écrire à sa mère. Le Duc d’Orléans a dû répondre par un refus formel. Vainement, il s’est efforcé d’en adoucir la rigueur par les paroles les plus affectueuses, le Duc de Montpensier n’en a pas moins été irrité. Il a déclaré qu’en dépit de toutes les défenses, il épouserait celle qu’il aime. Puis, il est allé se confier au Comte d’Artois, qui, ne voulant ni affliger ni encourager sa résistance, n’a pu que l’inviter à écrire au Roi lui-même. Le Duc de Montpensier a déféré à cet avis, prévenu d’ailleurs que son frère écrivait de son côté. Le 12 mai, le même courrier emporte à Mitau trois lettres relatives à cette affaire, l’une de Monsieur, qui en est l’exposé, l’autre du Duc de Montpensier, qui plaide sa cause, et la troisième du Duc d’Orléans, qui supplie le Roi d’intervenir.

« Sire, dit-il, quand, il n’y a guère que quinze jours, nous avions le bonheur de faire entre les mains de Votre Majesté le serment de transmettre intacts à notre postérité les droits que nous tenons de notre naissance, je ne m’attendais pas à me voir contraint aussi promptement à invoquer l’autorité suprême de Votre Majesté pour empêcher le Duc de Montpensier de former une alliance qui ne pourrait être que funeste pour lui-même, pour ses descendans et les princes de votre sang que l’ordre de la succession à la couronne lui a subordonnés. Monsieur ayant daigné me promettre d’écrire à Votre Majesté, je m’abstiens d’entrer dans aucun détail, et je me borne à observer qu’une naissance illustre et une réputation parfaite peuvent excuser mon frère à ses propres yeux. J’ose donc vous supplier, Sire, d’exprimer votre refus avec indulgence et bonté.

« J’ai la confiance, Sire, que la démarche que je fais en ce moment envers Votre Majesté n’est nullement nécessaire : la preuve récente qu’Elle vient de donner de la grandeur, de la noblesse de ses sentimens, et de la fermeté avec laquelle Elle a maintenu les droits de l’honneur de sa couronne, me sont de