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convulsions de la Coalition démembrée et expirante. Les circonstances venaient donc en aide au Duc d’Orléans, favorisaient son attitude, la justifièrent bientôt, et le léger nuage qui aurait pu obscurcir la réconciliation des deux branches de la maison de Bourbon se dissipa sans laisser de traces.

Sur ces entrefaites, le Roi reçut d’Espagne, au commencement d’octobre, une lettre de la Duchesse d’Orléans en réponse à celle qu’il lui avait écrite au mois d’avril pour la féliciter de la conduite de ses fils. Elle le remerciait avec effusion de ses bontés pour eux. Mais, en même temps, elle se plaignait de la dureté de son exil, de l’exiguïté de ses ressources, des difficultés matérielles qui s’opposaient à son départ d’Espagne. La tendre et ancienne affection que lui portait le Roi se révèle dans les consolations qu’il lui adressait. « La lettre de Justine est parvenue, il y a huit jours, à son adresse. Celui qui l’a reçue y a vu avec plaisir les témoignages d’une amitié qui lui est bien chère. Mais il est bien affligé de voir par la lettre même et d’avoir appris en même temps que les peines de Justine sont encore augmentées. Ah ! qu’elles soient plutôt adoucies par la conduite touchante de ceux qui lui sont chers avec tant de raison. Plût à Dieu que, se livrant aux mouvemens de son cœur plutôt qu’à des espérances trompeuses, elle cédât à leurs instances ! Que Justine compte du moins à jamais sur l’amitié de celui qui lui écrit aujourd’hui. » Quelques mois plus tard, sur la nouvelle assurance qu’il recevait du dévouement de « Justine » et l’avis de son prochain départ pour l’Angleterre, la tendresse du Roi pour elle paraît encore redoubler ; il y associe la Duchesse d’Angoulême. « Celui à qui ce touchant écrit était destiné n’en aurait pas joui, s’il n’eût fait partager à son ange consolateur les sentimens dont il est rempli. Tous deux se réunissent pour exprimer leur sensibilité, pour dire à Justine combien ils prennent part à l’amélioration de son sort, surtout à une réunion dont leur propre expérience leur fait sentir tout le prix, enfin pour l’assurer qu’elle n’a et n’aura jamais d’amis plus tendres ni plus vrais qu’eux. »

Quoiqu’elle eût annoncé au Roi qu’elle se préparait à aller retrouver ses enfans, la Duchesse d’Orléans devait attendre jusqu’en 1808 cette réunion. Elle ne se décida à quitter l’Espagne que lorsque les armées de Napoléon y entrèrent. Néanmoins, dès la fin de 1800, elle parlait à ses fils de son retour auprès d’eux. Elle leur disait même qu’elle espérait pouvoir traverser la France