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leur mère d’Espagne. J’aurais attendu de leur part un mouvement plus énergique. J’allais jusqu’à me figurer qu’ils pourraient faire quelque coup de tête et que, perdus de vue un instant, ils reparaîtraient à la tête d’un mouvement royaliste. Mais, puisqu’il ne vous restait d’autre ressource qu’un coup d’autorité qui aurait été mal vu du roi d’Angleterre et de ses ministres, vous avez sagement fait de vous eu abstenir.

« J’avais, comme je vous l’ai mandé, pour achever de sceller ma réconciliation avec eux, demandé à l’empereur de Russie la grand-croix de Saint-Jean de Jérusalem pour l’aîné. Je joins ici copie de la réponse qu’il m’a faite. Voyez si vous croyez utile de la lui communiquer. »

Nous avons lieu de croire que, laissé juge de l’opportunité de la communication, Je Comte d’Artois s abstint de mettre la réponse impériale sous les yeux de son jeune cousin, qui s’en fût probablement offensé : « J’attendrai pour le nommer, disait le Tsar, d’avoir pu juger de sa conduite antérieure et qu’il ait contribué, à rendre à la France son roi légitime. » Le refus était dur, et mieux valait ne l’attribuer, sans en faire connaître les termes, qu’à l’un de ces caprices déconcertans et toujours inexplicables dont Paul Ier était coutumier. C’est sans doute ce qui fut fait.

Au surplus, ces incidens n’eurent aucune suite. La résistance plus ou moins dissimulée qu’avait opposée le Duc d’Orléans au désir exprimé par le Roi de le voir rejoindre l’armée de Condé trouvait, à l’heure même où il était instruit de ce désir, une raison d’être dans l’état de l’Europe et les dispositions des Puissances qui le dispensaient de livrer, dès ce moment, le fond de sa pensée et de déclarer qu’il ne voulait pas porter les armes contre son pays. Tout annonçait une paix prochaine. Elle existait entre la France et la Prusse. Le gouvernement consulaire allait la conclure avec la Russie, et, quoique l’Angleterre et l’Autriche n’eussent pas encore désarmé, ce n’est pas au moment où l’Autriche n’employait l’armée de Condé qu’avec une évidente mauvaise grâce, et où l’Angleterre s’ingéniait à paralyser les projets des princes et des émigrés qu’elles eussent accepté les services du Duc d’Orléans. D’autre part, d’Avaray se trompait lorsqu’il se flattait de voir Paul Ier « assurer à Louis XVIII les moyens de se montrer à ses sujets l’olivier dans une main et l’épée dans l’autre. » Les combats qui se livraient encore en Allemagne et en Italie n’étaient plus que les dernières