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celui de prouver à Votre Altesse Sérénissime mon dévouement à sa personne. »

S’étant ainsi acquitté de ce qu’il considérait comme un devoir, d’Avaray mandait à Dumouriez à Saint-Pétersbourg la grande nouvelle, en une longue note, pleine de détails plus exacts que ceux auxquels les gazettes avaient trop facilement accordé leur publicité.

« Lisez donc et pleurez, disait-il en la lui transmettant, car je sais que, dans l’occasion, vous avez aussi des larmes à répandre. Les bavards à la journée vont s’exercer à qui mieux mieux et ce ne sera pas pour le mieux. Je n’aime pas déjà le prélude de celui de Hambourg qui cite Mme de Sillery et autres pauvretés. Je suis bien fâché que vous ne soyez pas là. Vous auriez senti, vous auriez dit à Mgr le Duc d’Orléans que ce qu’il y avait de plus noble et de plus satisfaisant pour lui et les siens était de publier sa lettre au Roi et la réponse. »

Publier sa lettre au Roi, c’est là justement ce que le prince ne voulait pas. Il l’avait dit à Monsieur qui, de son côté, s’était engagé à ne pas la rendre publique, créant au Roi, du même coup, une égale obligation. L’intervention de Dumouriez que regrettait d’Avaray eût été inutile. Il est d’ailleurs douteux que le général eût consenti à intervenir. Il connaissait la fierté naturelle du Duc d’Orléans, et eût jugé dangereux de le contraindre à une publicité que le prince avait par avance déclarée humiliante pour ses frères et pour lui. Il en était de même en ce qui touchait leur envoi à l’armée de Condé, dont le Roi parlait à Monsieur. Mais on ignorait à Mitau leurs dispositions à cet égard. Cette ignorance favorisait les illusions de d’Avaray. Elles se trahissent, avec une ardeur belliqueuse, dans la suite de sa lettre à Dumouriez.

« Maintenant où et comment faut-il utiliser le dévouement des jeunes princes ? En France, mon cher général, et non à l’armée autrichienne comme, à leur passage en Angleterre, ils paraissaient le désirer. Mais il faut un retour de chances favorables. Le magnanime Paul Ier nous les rendra et je ne doute pas que cette année, il n’assure au Roi les moyens de se montrer à ses sujets fidèles, ou égarés, ou rebelles, l’olivier d’une main et l’épée de l’autre. Alors, Mgr le Duc d’Orléans trouvera sa place auprès de son maître ou viendrait se réunir à lui s’il l’avait déjà précédé sur le théâtre de gloire qui nous attend. Quant à ses