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de l’ordre du Saint-Esprit. À ces grâces, l’initiative royale en ajouta une autre. Le Comte de Beaujolais n’avait été qu’ondoyé au moment de sa naissance et, depuis, on avait négligé de le baptiser. Le Roi voulut être son parrain. Il chargerait le Comte d’Artois de le représenter à la cérémonie du baptême. La duchesse d’Harcourt qui résidait à Londres représenterait la marraine, c’est-à-dire la reine de France.

Dans la triste situation à laquelle il était réduit, Louis XVIII ne pouvait témoigner de sa satisfaction sous d’autres formes, si ce n’est en écrivant de sa main aux jeunes princes. Il le fit le même jour :

« Mes cousins, j’ai reçu votre lettre du 16 février, qui m’a été transmise par mon frère. Les momens les plus doux pour mon cœur, les plus propres à me faire oublier mes peines sont ceux où quelques-uns de mes enfans reviennent dans mes bras paternels. Jugez du sentiment que j’éprouve en ne voyant plus parmi les princes de mon sang que les dignes neveux d’Henri IV et de Louis XIV. Jaloux de mon côté d’effacer tout ce qui pourrait rappeler des souvenirs trop amers et de resserrer de plus en plus nos liens, je permets au Duc de Montpensier et au Comte de Beaujolais de porter les marques de l’ordre du Saint-Esprit en attendant que je puisse les créer chevaliers. « Mon frère les en revêtira et présentera en mon nom le Comte de Beaujolais aux fonts baptismaux. Oublions le passé, ou plutôt rappelons-nous sans cesse, moi la bataille du Mont-Cassel et de Lérida[1], vous la satisfaction que j’éprouve aujourd’hui et, tous réunis, essuyons les larmes de votre vertueuse et respectable mère. »

La Duchesse d’Orléans à laquelle il venait de faire allusion était alors, nous l’avons dit, réfugiée en Espagne. Il ne l’avait jamais rendue responsable de la conduite de son mari dont elle restait inconsolable, plus malheureuse de l’avoir vu se déshonorer que de l’avoir perdu. Il lui conservait des sentimens affectueux, elle lui en était reconnaissante, ainsi qu’en témoignent les lettres, qu’elle lui écrivait tantôt en les signant, tantôt sans signature, sous le nom de Justine, inséré dans le corps de la lettre. Il voulut l’associer à sa joie.

« Je viens, ma chère cousine, vous féliciter ou plutôt me

  1. Le combat de Mont-Cassel, il avril 1677, où le Duc d’Orléans frère de Louis XIV se couvrit de gloire, et la prise de Lérida, 12 octobre 1707, où son fils, le futur Régent, se distingua.