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frappés d’étonnement. Ah ! monsieur, si cette lettre avait été reçue, de quel énorme fardeau elle eût déchargé le cœur du Roi ! Si elle eût été reçue, il y a longtemps que le Roi et le premier prince de son sang seraient réunis. Mais, jamais, non jamais, Sa Majesté n’a reçu de lui aucune lettre et le seul écrit qui soit parvenu de sa part est ce fatal billet dont je vous ai parlé. Assurez-en M. Dumouriez. Assurez-le que le Roi a toujours désiré, désire toujours aussi sincèrement que jamais de voir ce jeune prince devenir digne de son nom, effacer les crimes de son père et ses propres torts et ramené dans ses bras par l’amour et la confiance. Quant à moi, ce que j’ai fait en 1796 pour lui tenir la porte ouverte malgré lui, prouve assez mon empressement à lui en faciliter l’entrée. Qu’il écrive donc au Roi sans crainte ; que M. Dumouriez l’y engage avec la certitude que Sa Majesté lui tiendra compte de cette démarche. Adressez-moi cette lettre et que M. le Duc d’Orléans se repose sur ma parole qui lui promet un plein succès. A une époque comme celle-ci et d’après le dire même du général Dumouriez, ce n’est point l’intérêt d’anéantir une faction sans puissance qui s’explique par ma bouche ; c’est le cœur sensible et bon du meilleur prince que la France puisse compter parmi ses rois. »

Si le Duc d’Orléans eût connu cette lettre, ce que lui présentait d’obscur la démarche de Dumouriez eût été éclairci. Mais, nous l’avons dit, il l’ignorait et il ignorait de même que le général, en même temps qu’il lui adressait la sienne, en avait envoyé une copie au comte d’Avaray à Mitau, en l’accompagnant de commentaires qui étaient un véritable plaidoyer en faveur de « son jeune ami. »

« Quant au Duc d’Orléans, disait-il, il m’a lu lui-même la lettre très soumise et très sensible qu’il a écrite à Sa Majesté à la mort de Louis XVII. Entre beaucoup de très bonnes qualités que je lui connais, il a celle de l’horreur du mensonge ; ainsi je le crois. C’est dans cette persuasion que je lui ai écrit ces jours-ci la lettre datée d’aujourd’hui que je lui ai envoyée hier par triplicata, par Hambourg, Londres et Copenhague, pour qu’il la reçoive sûrement. Je vous envoie mon brouillon, vous y verrez mon cœur, et j’espère le sien, à moins qu’il ne soit entièrement changé ! Quant à la négociation de M. de Roll et au billet, je n’en ai rien su que par M. de Thauvenay et j’avoue que je suis étonné de cette réticence. C’est une preuve qu’en faisant, sans doute par