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brusquement, une lettre qu’il reçut, à peine arrivé, vint mettre un terme à son embarras. Datée du 29 septembre 1799, elle était de Dumouriez, avec qui, en avril 1793, au moment de la trahison de ce général, il avait quitté la France et vécu durant quelques mois dans le voisinage de Hambourg. Elle lui révélait une situation toute nouvelle, résultant d’événemens qui s’étaient passés en son absence, qu’il avait en conséquence ignorés et bien propres à modifier ses résolutions.

« Je me suis chargé, mon jeune et cher ami, lui disait Dumouriez, d’une commission que je voudrais avoir reçue beaucoup plus tôt, parce qu’elle convient à votre cœur et au mien. Apprenez d’abord que tous les préjugés sont dissipés ; qu’ayant pris la liberté d’écrire au mois de mai à Louis XVIII pour le prévenir sur un grand plan que j’ai fait, et auquel je travaille depuis un an pour son rétablissement, il m’a fait une réponse de sa main, telle qu’Henri IV l’aurait pu faire à Sully ; vous en jugerez quand nous nous verrons. M. Thauvenay, son agent secret et de confiance à Hambourg, m’a apporté cette lettre. Il m’a sur-le-champ parlé de vous et de vos frères avec le plus grand éloge ; il m’a raconté qu’il avait été chargé pendant votre séjour à Frédérikstadt de voir M. de Montjoye pour savoir de lui comment il pourrait procurer au baron de Roll une entrevue avec vous ; il a été alors enchanté de sa franchise et de la bonne volonté que Montjoye avait témoignée après avoir appris l’objet de l’entrevue. Il m’a ajouté que le baron de Roll y avait mis une dureté et une maladresse qui avait produit le plus mauvais effet ; qu’on avait été scandalisé ; qu’on avait enjoint à M. de Roll de réparer le mal qu’il avait fait, mais que son départ avait empêché que cette affaire ne fût suivie.

« J’ai répondu à M. Thauvenay que, quoique depuis que nous nous connaissions, vous m’eussiez témoigné beaucoup de confiance, cependant, je n’avais su la démarche respectueuse et noble que vous aviez faite auprès du Roi que par vous-même après qu’elle avait échoué ; que quoique j’en approuvasse entièrement le fond, si j’avais été consulté, je vous aurais conseillé de la retarder, et de ne la faire qu’après qu’elle aurait été préparée. J’ai ajouté que je garantissais que cette démarche avait toujours été dans votre cœur, et qu’elle y était encore malgré que, par la faute des intermédiaires, elle eût eu un insuccès auquel vous ne deviez pas vous attendre ; que je connaissais votre