Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 29.djvu/229

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

bouteilles, des baquets, des éviers, et seulement si la température est comprise entre 27° et 30°.

Les conditions du développement de la larve ne sont pas moins rigoureusement précises. L’évolution de l’œuf et l’éclosion de la larve exigent une température comprise entre 20° et 30° : l’optimum est à 28°. Tout abaissement au-dessous de ce chiffre se traduit par un retard plus ou moins considérable. La larve est aquatique : sa respiration aérienne l’oblige à se fixer à la surface de l’eau ou à y venir chercher l’air périodiquement. Elle évolue normalement en insecte parfait en une période de neuf jours pourvu que le thermomètre ne s’abaisse pas la nuit au-dessous de 27° : sinon, la formation de l’insecte ailé, capable de s’accoupler et de se reproduire, exige jusqu’à quarante et soixante jours.

On voit, en résumé, que le moustique spécifique de la fièvre jaune n’accomplit son évolution vitale régulière et complète qu’à une température moyenne de 28° et que tout abaissement diurne ou nocturne du thermomètre compromet quelqu’une de ses fonctions physiologiques.

C’est là une donnée de première importance. Cette étroite sujétion du moustique aux conditions thermométriques est un fait essentiel, capital, pour l’histoire de la fièvre jaune : c’est la clef de tous les mystères. La stégomie a besoin de beaucoup de chaleur, et d’une chaleur soutenue. Dès que le thermomètre s’abaisse, on la voit péricliter : à 15° elle s’engourdit, puis elle meurt bientôt. Cet insecte frileux fait tout ce qu’il peut pour se défendre contre le refroidissement du milieu. Son genre d’existence lui en fournit les moyens. Il vit, en’ effet, en commensal de l’homme, sous le même toit. C’est un animal domestique, comme la mouche vulgaire. Dès qu’il a froid, il se réfugie dans les cuisines, dans les salles de bain, dans les chambres chauffées, dans les boulangeries, dans les forges. À bord des bateaux il trouve un dernier asile dans le voisinage de la machine, près des conduits de chaleur ou de fumée. Si, néanmoins, la température descend au-dessous de 16°, il tombe dans un état de torpeur et d’engourdissement comparable à celui de la marmotte.

Ces conditions, dans leur rigoureuse précision, sont particulières à la stégomie entre tous les moustiques. Elles rendent compte de beaucoup de traits de l’histoire de la fièvre jaune. Nous n’en citerons qu’un. Il est relatif à la curieuse immunité dont jouissent les habitans de Petropolis au Brésil. Petropolis est en quelque sorte le sanatorium de Rio de Janeiro. C’est un lieu de villégiature situé à 45 kilomètres de la capitale, à une altitude de 830 mètres. C’est la résidence de la