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moindres musiciens que lui, d’autre musique que la sienne. Halévy qui, dans l’Éclair, avait montré des grâces intimes et délicates, ne produisit plus, avec les Mousquetaires de la Reine ou le Val d’Andorre, que des œuvres enflées et vides, également dépourvues de poésie et de vérité. En dépit, ou peut-être en raison de son génie, Meyerbeer força le genre au lieu de le fortifier, et ce n’est pas dans l’Étoile du Nord et dans le Pardon de Ploërmel, que l’opéra-comique devait trouver ensemble un souvenir de son ancien idéal et la promesse de ses nouveaux destins.

Il rencontra l’un et l’autre, — indirectement, — sur une scène qui ne portait pas son nom et dans des œuvres qui n’étaient pas faites à son image : nous voulons parler du Théâtre-Lyrique et de certaines partitions de Gounod.

Une histoire de l’art et du goût musical en France au XIXe siècle, devrait, vers le milieu de ce siècle, faire au Théâtre-Lyrique une place d’honneur. C’est là que, pendant près de quinze années, parurent ou reparurent, avec le Freischütz, Obéron, les Noces de Figaro, les chefs-d’œuvre étrangers d’un genre intermédiaire entre nos deux genres nationaux, le « grand opéra » et l’opéra-comique. Pour la musique française l’exemple ou le bienfait ne fut pas perdu. On la vit concevoir alors un nouvel idéal, à la fois supérieur et prochain, et le réaliser en des œuvres moins ambitieuses que la tragédie ou le drame lyrique, mais plus hautes, plus riches de sentiment et de poésie que l’opéra-comique, tel qu’un Auber nous l’avait fait, ou défait.

L’auteur de cette métamorphose et de ce progrès fut Charles Gounod ; moins peut-être, — la chose est singulière, — le Gounod du Médecin malgré lui, cet opéra-comique véritable, et délicieux, que le Gounod d’œuvres moins classiques, plus originales et plus éloignées en apparence du type même qu’elles allaient transformer. Assurément, en dépit des scènes parlées qu’il contenait à l’origine, Faust n’est guère plus un opéra-comique que le Freischütz ou Fidelio. Mais, par certains côtés, Faust est le premier exemplaire et le chef-d’œuvre d’un genre mixte qui devait, en trente ou quarante années, d’abord par Philémon et Baucis et Mireille, puis par Mignon, Carmen, Manon, ou Louise, agrandir l’opéra-comique et le renouveler.

Ouvrons la partition de Philémon et Baucis : avec la vivacité, l’élégance, l’esprit qu’avait gardé l’opéra-comique, nous y trouverons le sentiment et la poésie qu’il avait perdue. Le règne