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de la colonisation officielle ou l’ayant si bien devinée. Je crains beaucoup que, si plus tard il a recours à un autre mode d’assistance, il n’en use pas de manière à s’affermir ou à se replacer dans le droit chemin. Il est dans une ville ouvrière ; il deviendra sans doute un nomade comme beaucoup de ses pareils. Il ira dans les grands centres, il se trouvera un jour ou l’autre sans ressources. Il aura recours aux asiles de nuit.

On en a ouvert beaucoup : on a bien fait. Que d’hommes et que de femmes arrivant de la campagne pour se placer, que de passagers, que d’émigrans, que de convalescens à peine sortis de l’hôpital, que d’ouvriers sans ouvrage expulsés de leur logis, faute de pouvoir payer un terme ! Il faut bien admettre cependant que plus d’un individu sur le pavé, mais cherchant, de propos délibéré, les aventures, se dit que ce n’est pas là un milieu très favorable aux coups de main nocturnes et que le butin à s’y approprier serait bien maigre. D’autre part, si le règlement n’était pas d’une juste sévérité, l’asile deviendrait vite comme une manière de garni gratuit ou semi-gratuit dispensant de chercher un domicile. Un groupe philanthropique dont les œuvres sont pourtant des plus remarquables, l’armée du Salut, m’a paru, dans Londres, glisser sur cette pente. J’y ai vu des refuges qui avaient débuté par être des asiles temporaires et qui en étaient venus à conserver, sinon indéfiniment, du moins très longtemps, leurs hôtes pour une somme modique. Les surveillans trouvaient que l’administration de leur local en devenait plus facile. On le croira sans peine ; mais par là encore, l’assistance change de direction. L’aide qu’elle offre est détournée à leur profit par ceux qui voulaient déjà bien faire, et on achève d’éliminer ceux qui veulent mal faire ou sont exposés à de trop fortes tentations.

Il est d’autres modes d’assistance dont ces derniers s’éliminent d’eux-mêmes : je veux parler de ce qu’on appelle l’assistance par le travail. On sait qu’elle est donnée dans des asiles successivement fondés par presque tous les États pour assurer aux invalides de la volonté la rectification de bien des habitudes, la guérison de bien des vices, la reprise lente de l’aptitude à se conduire soi-même dans la régularité d’une vie suffisamment laborieuse. Certes, je ne veux pas dire, il s’en faut, qu’il ne faille pas fonder de pareilles œuvres. Il faut en avoir, au contraire ; il faut s’instruire soigneusement de celles qui