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L’entente pour la limitation des arméniens sera peut-être le résultat de cette seconde conférence de La Haye dont l’Amérique, spectatrice vigilante de nos inerties, vient de prendre l’initiative. Je répète que cette entente, nous Français autant que personne nous avons un intérêt patriotique à la souhaiter, à la faciliter, le terrain une fois déblayé de toutes nos coûteuses illusions. Notre population de 38 millions d’habitans et par conséquent nos ressources sont stationnaires, alors que la population allemande atteint 60 millions, celle des États-Unis 76, juste le double de la nôtre… C’est ce que j’ai dit, et rien de plus, le printemps dernier, au Sénat, dans mon discours contre la folie des surenchères de dépenses navales. J’ai dit qu’il aurait fallu, qu’il faudrait encore profiter des déclarations répétées de l’Angleterre en faveur de l’arrêt de ces surenchères pour mettre la question non pas seulement à l’ordre du jour mais à l’étude ; et c’est encore ce que toute l’agitation des marchands de canons et des marchands de journaux patriotiques ne réussira point à empêcher.

Quant à vos objections économiques, j’en dirai peu de mots, car vos lecteurs y auront répondu d’eux-mêmes. Ils auront été émus sans doute mais non convaincus par votre plaidoyer attendri en faveur des chevaux des électeurs de M. Leygues. Vous êtes impitoyable pour les veuves et les orphelins de la guerre, mais les chevaux de M. Leygues vous tirent des larmes. Pensez donc ! Si l’Union européenne devenait une réalité, que deviendrait notre cavalerie, et nos industries, et notre personnel de la guerre ! Là encore, trouverez-vous un seul de vos lecteurs pour se figurer que l’Union européenne fera jamais disparaître toute force défensive et que limiter nos dépenses militaires cela veut dire les supprimer totalement ! Qui admettra jamais que l’Union européenne puisse se faire instantanément de façon à renvoyer du jour au lendemain de toutes les casernes et de tous les quartiers des millions d’hommes, des millions de chevaux ? Et si vous reconnaissez qu’une transition, une longue transition est inévitable, alors où est le danger ? Cessez de vous alarmer sur le sort des chevaux que nous aurions en trop, si nous en avons ; nous les vendrons à l’Amérique. Peut-être ignorez-vous que le Perche, pays d’élevage aussi réputé que la plaine de Tarbes, augmente chaque année ses exportations de chevaux ? On a déjà employé vos argumens contre les automobiles ; on disait : Nous ne vendrons plus nos chevaux ! Or, ils ne se sont jamais vendus plus cher, ni même aussi cher que dans ces dernières années ; avant même de venir au monde, nos poulains sont payés 1 000 francs, 1 200 francs, davantage encore, les yeux fermés. On avait aussi employé vos