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faire entrer peu à peu l’arbitrage dans les mœurs internationales ; cela fait, on pourra parler, non pas de désarmement, ce qui est absurde, ni même de réduction des armemens, mais d’une limitation, d’un arrêt dans l’accroissement des dépenses navales et militaires.

Au début, nos conférenciers n’étaient que douze ; ils se comptent par centaines, d’autant plus actifs qu’ils sont volontaires. Trois cents sénateurs et députés et avec eux combien de conseillers généraux, de journalistes, leurs partisans, ont évangélisé la France du Nord au Sud, de l’Est à l’Ouest sans qu’on y prit garde. La presque-unanimité de nos Conseils généraux (80 sur 86) et de nos Chambres de commerce ont émis des vœux en faveur de notre programme, et je ne parle pas des milliers d’associations particulières auxquelles nous sommes étroitement unis, à commencer par l’Alliance française, la Ligue de l’Enseignement, le Touring, l’Automobile Club… Comment nos idées ne seraient-elles pas répandues ?

Hors de nos frontières, même méthode : des conférences, des articles, des correspondances, des échanges de visites. Vous trouvez ces petits moyens puérils, insignifians ; cela n’empêche que vous êtes surpris à la longue par leur effet. Pour ma part, j’ai des adversaires, mais j’ai heureusement aussi partout des amis ; ils m’ont appelé, soutenu, ils m’ont préparé des auditoires depuis Budapesth jusqu’à Chicago ; nulle part, personne n’a songé à qualifier notre programme de révolutionnaire ou d’utopique ; nous avons même trouvé tant d’adhérens qu’ils ont fini par se grouper à leur tour, et c’est ce comité de conciliation internationale que vous présentez à vos lecteurs sous un jour odieux et ridicule, n’oubliant qu’un point, c’est de dire qui nous sommes et d’avertir votre public que ces têtes fêlées dont vous vous moquez ne sont autres qu’une élite intellectuelle de tous les pays. Oui, nous avons formé ce projet de réunir en un seul faisceau toutes les bonnes volontés qui se cherchent, mais qui s’ignorent et perdent dans leur isolement la meilleure partie de leurs forces. Nous avons voulu réaliser ce vœu de Renan et de tant d’autres penseurs : « Puisse-t-il se former enfin une ligue des hommes de bonne volonté de toute tribu, de toute langue et de tout peuple !… »

Voilà l’œuvre que vous dénoncez comme un danger pour la patrie ! Vous avez tort, mon cher directeur, de jouer avec ces avertissemens injustifiés. Vous le faites en toute conscience, j’en suis certain, mais vos amis ? Ils croient pouvoir impunément abuser de nos sentimens les plus généreux ; ils nous rappellent à tout propos au respect de la Patrie, comme au respect de la religion ou de la morale et de la