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indispensable que la désinfection soit faite ici même, et absolue.

Après un coup d’œil au logement des nurses, analogue à beaucoup d’autres, je rentre dans la salle de vaccin où il faut dépouiller la tunique protectrice et le capuchon à la Kate Greenaway. Puis on me montre encore le local isolé où, chaque fois qu’elles sortent, les infirmières ont à se conformer à une série de prescriptions minutieuses : non seulement elles doivent changer de costume et de linge, mais encore, en prenant un bain, laver leur chevelure, ce qui demande un certain temps. On comprend qu’elles préfèrent réunir en un seul congé, chaque mois, les trois jours de permission qui leur sont accordés par le règlement.

Le recrutement se fait bien. Les gages sont un peu plus élevés que dans les autres hôpitaux, à cause des chances de contagion. Mais pas un seul cas de décès par petite vérole n’est encore venu frapper le personnel. Les filles de service elles-mêmes sont mieux rétribuées qu’ailleurs : 21 livres par an (525 francs) comme salaire de début.

La « matron » a fait toute sa carrière dans les établissemens du M. A. B. Elle est toute dévouée à la cause qu’elle sert et n’a pas rêvé une plus belle existence. Aussi bien en est-il peu d’aussi simplement héroïque que celle de cette femme, dont toute la vie n’aura eu qu’un seul but : disputer à la mort des êtres que le monde a rejetés d’avance. Elle y met tout son cœur ; ses malades le sentent, et en sont soulagés. Un de ses regrets est d’avoir à sa disposition trop peu de fleurs pour égayer cette léproserie…


J’ai voulu voir à l’œuvre les infirmières des faubourgs dont le dévouement s’exerce au logis même du pauvre, et je subis ce matin le terrible « undergound » londonien, à l’atmosphère suffocante, pour arriver de bonne heure à Plaistow où sœur Catherine dirige ses « district-nurses. »

C’est la banlieue Est de Londres, et la population n’y semble pas de mœurs douces. Comme le train circule, à présent, à l’air libre, entre des maisons basses et de pauvre apparence, un sifflement à mon oreille, un choc sur la paroi du wagon derrière moi, interrompt ma lecture. Une pierre de bonne taille vient de pénétrer par la fenêtre de mon compartiment. A la station suivante, je hèle le chef de gare et lui remets l’objet. Il m’en remercie et, sans réticence, m’annonce que pareil fait s’étant