Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 28.djvu/848

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

père envoyait à Chambéry la demande officielle. Il sollicitait en termes irréprochables, auprès de Mme Birch, l’honneur de son alliance, et lui offrait de la renseigner sur la situation de la famille, avec « la franchise et la loyauté d’un vieux militaire qui aime beaucoup ses enfans, mais qui ne leur sacrifiera jamais la vérité. » De son côté, Lamartine adressait de Mâcon, le 26 septembre, une lettre à Mme Birch « pour tâcher, lui écrivait-il, de dissiper les préventions défavorables que vous inspireraient peut-être les différences de pays et de relligion et la crainte si naturelle de vous séparer de ce qui vous est le plus cher au monde. » Il lui offrait non seulement de vivre avec elle, mais de passer une partie de l’année en Angleterre[1].

Mme Birch répondit, poste pour poste, à M. de Lamartine père :


Au jardin de l’Écheraine, le 28 de septembre 1819.

Monsieur,

Je viens de recevoir aujourd’hui la lettre que vous m’avez fait l’honneur de m’écrire le 21 de ce mois au sujet de ma fille. Il n’était guerres possible que je ne m’apperçusse pas des attentions de monsieur votre fils pour elle à Aix, et j’ai appris aussi (avec quelque surprise) qu’à la suite d’une connaissance de peu de jours il lui avez fait une déclaration, et si je ne l’avais pas regardé comme un goût passager, je m’aurais fait un devoir de le prévenir que malgré ses talens supérieurs que j’admire comme tout le monde cette établissement n’entrera pas dans mes projets et les vues que j’ai pour ma fille. — Ma fortune n’est non plus considérable et Elle n’a rien de mon vivant que le peu que j’aurais pu lui céder. — Je ne puis qu’être flattée de la bonne opinion que monsieur votre fils a conçu d’elle et en lui souhaitant toutes sortes de prospérités, j’ai l’honneur d’être, Monsieur,

avec beaucoup de considération, etc.

Et à Alphonse de Lamartine :


Turin, le 12 octobre 1819.


Monsieur,

J’ai répondu à la hâte à monsieur votre père la veille de notre départ pour Turin, pour ne pas vous laisser dans l’inquiétude de mes sentimens sur le sujet de sa lettre ; la vôtre m’a été remise depuis de Chambéry, et il m’est bien pénible de répéter des choses qui pourraient paraître désobligeantes quoique vous pouvez vous figurer que j’attache mon bonheur à voir ma fille établie avec un homme de mon pays et de ma religion. — Je ne doute nullement, monsieur, de vos bonnes dispositions, mais sans avoir

  1. La lettre adressée à Chambéry n’y trouva plus Mme Birch : la poste fit suivre à Turin.