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à développer les richesses de la Chine ; ils ont les capacités, les Chinois leur donneront les capitaux. Et ainsi Chine et Japon formeront un tout économique et politique qui se suffira à lui-même, exercera le contrôle de toutes les mers d’Extrême-Orient et obtiendra la maîtrise du Pacifique et l’empire de l’Asie.

Cette japonisation de la Chine, si elle aboutissait à la révolution politique que nous avons montrée menaçante et à la naissance d’une doctrine de Monroë à l’usage du monde jaune, deviendrait un danger pour les intérêts de toutes les autres puissances. Toutes les grandes nations commerçantes ont le droit d’être traitées, dans l’Empire du Milieu, sur le pied d’une complète égalité ; et si la Chine réorganisée voulait un jour fermer ses ports et ses marchés, il faudrait au moins que ce fût par un acte libre de sa volonté nationale, et non à l’instigation d’un État étranger. La proximité de ses ports, la puissance de ses flottes et de ses armées, le prestige de ses victoires donneront, longtemps encore, au Japon, assez d’avantages sur ses concurrens pour qu’il renonce à user de procédés comme ceux dont certains de ses nationaux ont eu recours à nos dépens au Fo-kien. Si d’ailleurs il fallait chercher, pour arrêter les progrès d’une japonisation trop complète, des élémens de résistance, c’est dans la Chine elle-même qu’on les pourrait trouver. L’influence parfois indiscrète, la protection parfois oppressive des Japonais inquiètent déjà certains Chinois clairvoyans ; les évolutions vont vite, aujourd’hui, en Extrême-Orient ; une opinion publique chinoise commence à se former ; elle est résolument réformiste, mais elle est en même temps nationaliste ; les excès de zèle des jeunes japonisans alarment son patriotisme naissant ; elle admet que la Chine emprunte aux étrangers leurs procédés et leurs capitaux, mais à la condition qu’elle conserve toute son indépendance et toute son autonomie ; elle demande que la Chine soit armée, mais elle entend que ce soit pour résister à toute pression étrangère, d’où qu’elle vienne, et pour se passer de tout secours onéreux. Déjà certains vice-rois et certains journaux demandent que les écoles militaires soient purement chinoises. Nous avons indiqué plus haut que le chef des révolutionnaires du Sud, Sun-Yat-Sen, séparait sa cause de celle du Japon et rejetait son assistance depuis que le gouvernement du Mikado, enivré de ses victoires, cherche à dominer la Chine tout entière, soit en protégeant la dynastie, soit en lui substituant