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presque toutes les familles de paysans ont acheté au négociant nippon un petit métier à main qui leur permet de carder elles-mêmes le colon. Pour créer de grands établissemens industriels, les capitaux manquent aux Japonais ; leurs banques hésitent à s’engager dans des entreprises qui pourraient ne pas « payer » immédiatement. Les principales, la Yokohama Specie Bank qui a des succursales à Chang-hai, Tien-tsin, Han-keou, Tche-fou, Wei-hai-wei, Tsingtao, Pékin et Hong-kong, la Banque de Taiwan, instituée spécialement pour favoriser le développement du commerce de Formose et qui a des succursales à Fou-tcheou, Amoy et Hong-kong, sont assez occupées des opérations de change, des mouvemens de numéraire, de l’escompte du papier chinois, sans se lancer dans les affaires industrielles ; il est d’ailleurs impossible d’obtenir des renseignemens exacts sur la nature et le montant de leurs opérations.

Le principal effort des Japonais, au point de vue industriel et commercial, s’est porté sur la province du Fo-kien, située en face de Formose, sur laquelle, depuis longtemps, ils ont jeté leur dévolu ; ils ont même demandé pour cette province, du gouvernement chinois, une de ces étranges « déclarations d’inaliénabilité » qui étaient de mode vers 1898 et grâce auxquelles les grandes puissances prétendaient marquer par avance la part qui leur reviendrait si le partage de la Chine venait à s’accomplir jamais. Les progrès des Japonais dans cette province nous touchent particulièrement parce que nous y possédons, nous aussi, des intérêts considérables : on sait que l’arsenal de Fou-tcheou est dirigé, depuis trente ans, par des ingénieurs français et que la Société d’études du Fo-kien a obtenu la concession des mines des préfectures de Kien-ming, Shao-ou et Ting-tcheou. Suivant leur méthode habituelle, les Japonais ont commencé par envoyer des instructeurs militaires à l’école fondée par le vice-roi Hsu en 1901, et par créer, dès 1899, une école de langue japonaise et chinoise, dont nous avons déjà parlé ; les promoteurs et les bailleurs de fonds de cette école sont des Chinois japonisans parmi lesquels un certain Chen-Pao-Shen qui, disgracié jadis à la demande de la France pour avoir poussé à la guerre contre nous, a pris en haine l’influence française et s’est fait l’agent le plus actif des Nippons. Une succursale de la Banque de Taiwan, qui s’occupe de prêts sur gages, de prêts hypothécaires et de ventes à réméré, trois lignes de navigation côtière, attestent l’activité